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Körperwelten, Les Écorchés de Bâle
Gunther Von Hagen

/L'abjection/ est simplement l'incapacité d'assumer avec une force suffisante l'acte impératif d'exclusion des choses abjectes (qui constitue le fondement de l'existence collective) [...]L'acte d'exclusion a le même sens que la souveraineté sociale ou civile, mais il n'est pas situé sur le même plan: il se situe précisément dans le domaine des choses et non, comme la souveraineté, dans le domaine des personnes.Il en diffère donc de la même façon que l'érotisme anal diffère du sadisme.

G.Battaille

Au carrefour de l'Allemagne et de la France, Bâle (Basel) en Suisse concentre actuellement une cinquantaine de cadavres écorchés conservés dans une expo "choc" intitulée: Körperwelten (Univers du corps).

L'exposition qui a voyagée précédemment au Japon et en allemagne a divisé les opinions: L'église catholique allemande a tenté d'interdire la venue de ce "cirque macabre" mais sans succès: Au japon, 2 millions de personnes se sont déplacées pour aller voir ces "vrais" morts; à Francfort une heure de queue était nécessaire pour obtenir son billet.
L'expo s'arrêtant a Bâle, je me fis un devoir d'aller contempler "cette viande froide" sous verre. Afin de préparer mon expédition, j'allais glâner quelques infos sur le web à propos de cette exposition.

On y apprend que "l'artiste" se dénomme Prof. Gunther VON HAGEN, qu'il n'est pas professeur aux BEAUX ARTS de BERLIN comme on pourrait le croire, mais Professeur a l'université de Médecine légale de Heidelberg (Université reputée mondialement); est un scientifique et n'a à peu près rien a voir avec un artiste. Son exposition a pour but de rapprocher "l'oeuvre d'art naturelle qu'est le corps humain du public"*. La manière d'y arriver? la "plastination", technique très élaborée qui permet au corps d'être conservé dans un état rigide en même temps qu' inodore. Pour schématiser, cette technique remplace les liquides contenu dans les tissus humains par un composé proche du silicone.

Je continue plus avant mes recherches et tombe sur quelques clichés photographiques de piètre qualité montrant des corps dépouillés de leur peau où seuls les muscles et les os sont apparents. De plus , certaines parties du corps sont volontairement découpées ou retirées afin de mettre en exergue un endroit spécifique du corps. Ces photos m'ont rappeléces mannequins qui trônaient en fond de classe de biologie, ces mannequins desquels on pouvait extraire les organes un par un pour les examiner.

Je décide après m'être fait une petite idée sur ces fameux cadavre de partir pour Bâle. Comme prévu, beaucoup de monde à l'entrée, trop a mon goût!. Après 20 minutes d'attente, je rentre enfin dans ce cercueil géant. L'exposition est abritée dans une énorme halle, où la lumière est essentiellement artificielle et propulsée à l'aide de néon depuis le plafond. Je suis surpris de voir autant de lumière, et si mal disposée, dans cet endroit. On se croirait dans un supermarché où la mort devient un atout marketing majeur.

Je m'approche des corps, non sans appréhension, et me retrouve devant mon premier"macchabée" dépouillé de sa chair, accompagné d'une vingtaine de personnes au moins; allant du gosse de 12 ans au "papi" de 78 ans. On se retrouve tous là, aglutinés devant les verres protecteurs essayant désespérément d'apercevoir un détail d'anatomie. La visite se poursuit, tout le monde est détendu. Blague même par moment. L'ambiance n'est vraiment pas solanèle pour un sous. Plus j'avance dans l'expo plus je me rends compte des lacunes qu'elle comporte, c'est affligeant. J'ai l'impression de me trouver dans un musée archéologique au milieu d'une centaine de badauds enchantés de voir un bout d'estomac conservé ou un une moitié de sein. Les corps sont montrés de la manière la plus objective et désinteressée possible; on a peine à croire que ces "statues de muscles confites" ont été un jours vivantes.

Je termine malgré tout la visite, mais franchement plus vraiment intéressé. Vers la porte de sortie, où se tient un stand de catalogue de l'expo, j'en achète un pour remplacer mon Atlas médical vieillôt.

L'exposition elle-même a une carence phénoménale de contenu et d'enveloppe artistique. Je ne peux m'empêcher de voir la patte du scientifique derrière chacun des morts exposés.

VIDE-éducatif-objectif-et tellement ennuyeux

Quel dommage! car toute cette technique de conservation aurait mérité le soutien d'un vrai concept global autour de ces "cadavres exquis".

Un endroit plus petit, avec des plafonds plus bas ainsi qu'un éclairage adéquat aurait peut-être révelé ces corps et leurs mystères cachés. Mais surtout, il aurait fallu une mise en scène tragi-comique de ces corps, les confronter au quotidien des visiteurs à peine choqués par leur petit tour de "supermarché de viande froide", dans cette monstrueuse "halle n°5" de Bâle; confonter la réalité et la vérité de la chair, avec la réalité des vivants et des bien-portants, montrer combien notre société occulte l'idée de mort physique, alors qu'il n'y a pas 150 ans, on allait encore le week-end à la morgue en famille voir les corps pour se divertir. Oui, Körperwelten offre une vision aseptisée et garantie par la médecine, que la mort ne rôde pas dans le corps humain. Ces "écorchés" nous font plus penser à des lointains ancètres de la préhistoire ou à des extra-terrestres qu'a nos contemporains. En effet, tout ces corps exposés sont bien des dépouilles d'êtres humains nés sans doute après la deuxième guerre mondiale, des êtres humains qui ont souffert et aimé, tout comme nous. Nous sommes les spectateurs de leur décrépitude soudainement stoppée par les progrès de la science. Une science qui embellit la mort en lui enlevant son odeur caracteristique et son aspect terrifiant quoique sublime. Sauver le corps de sa décrépitude naturelle, c'est enlever le monopole des asticots, éviter les processus de l'abjection et de l'horreur naturelle!

Qu'on se comprenne bien, je ne suis pas contre la conservation des corps, même tout au contraire. Par contre, je suis contre la manière qu'a ce Professeur de donner à sa méthode de conservation une teinte esthétique-propre-en-ordre, quasi bourgeoise. Cette éviction volontaire de la laideur dans le corps m'échappe; une telle volonté de rassurer le spectateur sur son futur proche me rend totalement perplexe! "vous allez mourir, mais rassurez-vous, vous serez beau pour toujours grace à la plastination"voilà ce que pourrais dire ce cher Professeur Von Hagen a ses fidèles, ou pour sa prochaine campagne publicitaire vantant les mérites de la plastination. Ces corps sont aussi beaux que des nains de jardin, si vous me permettez la comparaison estétique osée, mais cela reflète bien a quel niveau évolue le style visuel de l'expositon Von Hagen.

Mon point de vue est le suivant, du moment que le prof. Von Hagen a ses corps à disposition (en effet, les corps sont ceux de volontaires qui ont légué leur dépouille à la science), qu'ils les utilisent, même après la plastination, a des vue artistique et philosophiques, et non pas comme simple ATLAS médical en 3D pour badaud en tout genre. Les travaux artistiques sur les corps (morts ou non) ou sur les carcasses ont amené à l'éclosion et la concrétisation d'oeuvres d'art majeures de ce XXième siècle. Preuve en est, les créations d'artistes comme J-P WITKIN, PETER BEARD, G. Helwein,etc...

Gunther Von hagen a réussi avec ces cadavres ainsi présentés, a occulter le thème principal que l'exposition aurait dû traiter: LA MORT; et cela semble bien déliberé.

(*) traduit librement d'un discour du Professeur Von Hagen "Ich möchte interessieren Personnen das, natürliche Kunstwerk Mensch'näherbringen."


  e.Na-IV-IV/'99




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