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Kobo Abé
L'été est toujours un bon moment pour se replonger dans l'existentialisme. Pour ceux qui veulent un peu plus que du soleil et du surf, lire sur l'inévitable légèreté de la vie peût être un bon remède contre l'agitation qui vous entoure.
Abé nous conte l'histoire d'un collectionneur d'insectes qui voyage jusqu'à un village côtier lointain pour chasser un insecte rare. Dans sa détermination à attraper ce scarabée, il se laisse faire prisonnier par une habitante du village. Alors qu'il est hébergé pour la nuit par une veuve locale, il se rend compte au petit matin qu'il ne peut s'en échapper. Captif de cette femme il est condamné à déblayer le sable qui retombe au bas d'une immense dune.
Cette nouvelle mélange suspense et existentialisme, alors que l'on suit les efforts d'évasion avortés de l'homme. Sa relation avec la femme est d'autant plus compliquée qu'il tente de la dominer sans pour autant tomber sous son charme. Elle l'attire et le répugne en méme temps. Physiquement sous le joug de son sexe, il est aussi répoussé par son manque de volonté à se libérer des pouvoirs dont elle est aussi sous l'emprise.
Et qui ou que sont ces pouvoirs? Ses ennemis sont une nature incontrôlable (les dunes de sable qui menacent d'engloutir le village) mais aussi les villageois qui ont établi un système d'esclavage utilisant les désavantages que la nature leur fournit.
Le livre est fascinant, tant dans sa narration (comme dans L'étranger d'Albert Camus, l'écriture est précise et exacte: point de mot inutile) limpide, que dans son thème où l'homme tente de s'évader sans jamais y parvenir. La théorie est que nourriture et abris sont primordiaux et que c'est seulement aprés que ces besoins soient satisfaits que l'homme commence à se questionner intellectuellement. Son esprit est brisé et c'est dans cet état qu'il réalise la futilité de sa situation. Et quand la liberté lui est offerte, sa réponse est des plus étonnantes. Dans un passage on peut ainsi lire: "Tout à coup un chagrin à la couleur de l'aurore le remplit. Ils pourraient aussi bien lécher leurs propres blessures. Mais ils auraient à les lécher à l'infini puisqu'elles ne pourraient se refermer, et à la fin leur langues en deviendraient usées "
Tout comme dans le Mythe de Sisyphe de Camus l'homme pousse son rocher jusqu'au sommet de la colline pour seulement l'avoir repoussé en bas par la force des dieux. L'homme doit alors tout recommencer. C'est futile, oui, mais en recommençant l'humanité de l'homme en est prouvée. C'est dans la réalisation de la futilité et sa non acceptance par l'homme que l'existentialisme prend chair.
Ce classique écrit en 1960 est un parfait example de l'existentialisme moderne qui débuta en France. Alors qu'ils étaient dévasté par la seconde guerre mondiale, les oeuvres d'Abé et Albert Camus prirent une signification particulière quant à la futilité. Dans L'étranger l'homme est condamné à mort alors que dans Woman in the Dunes il est condamné à vivre. Dans les deux cas le résultat est le même.
Un film éponyme, tiré du livre a été tourné par Hiroshi Teshigahara et a gagné le prix du jurie à Cannes en 1963.
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Anji Milanovic
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