L’Iran vous êtes fou! Connaissant l’effervescence médiatique autour des extrêmistes, la peur d’une attaque terroriste contre l’Ouest et les conséquences d’une guerre sanglante de 8 ans avec l’Iraq, la réaction de mes amis était compréhensible. Pourtant durant ces trois semaines Charlie et moi découvrîmes un pays trés différent. La plupart des Iraniens auxquels nous parlâmes étaient conscients du filtre sombre à travers lequel leur pays est perçu et furent assez aimables pour vouloir connaître les motivations de notre venue et nos impressions sur leur pays.
Mais remettons-nous dans le contexte. Le Shah d’Iran prit la fuite en 1979 aprés un soulèvement contre son régime. Ayatollah Khomeini, un dignitaire religieux, rentra d’exil et prit le pouvoir, établissant une république Islamique. Si Kohmeini décéda en 1989, il fait toujours l’objet d’un culte et a laissé une empreinte indélébile dans les lois et coutumes qui conditionnent la vie de tous les jours des iraniens. L’Iran diffère considérablement d’un régime comme celui du Taliban en Afghanistan. Bien que les femmes iraniennes n’aient pas les même droits que leurs homologues occidentales, elles ne sont pas soumises aux lois draconiennes qu’impose le Taliban. Quoi qu’il en soit, de nombreux iraniens ressentent l’enlisement de leur économie et les restrictions de leur liberté d’expression, de voyage à l’étranger et du droit des femmes. Ces sources de frustrations affectent la vieille et la jeune génération, mais pour des raisons diverses. Les personnes plus agées veulent un retour à la période plus libérale d’avant la révolution, tandis que les plus jeunes, qui n’ont pas connu cette époque, sont en attente d’une liberté telle qu’ils la perçoivent à travers leurs programmes par satellite, Internet et leurs contacts avec des touristes de plus en plus nombreux. Nous avons ainsi pu prendre connaissance de nombreux cas où des personnes mènent une double-vie: si les femmes, par exemple, appliquent à la lettre les coutumes rigides de la révolution en public, comme nager tout habillé, une fois chez elles, elles portent des shorts et écoutent de la musique pop.
Charlie et moi fûmes souvent invités chez des gens, nous mettant même parfois dans la position peu confortable de choisir entre la surenchère de différents foyers. Les iraniens ont un grand respect pour leurs compatriotes comme pour les étrangers. Nous ne fûmes jamais pris à partie pour ne pas être de religion musulmane ou pour les actions de nos gouvernements respectifs à leur encontre. Ils désiraient seulement pratiquer leur anglais ou échanger leurs points de vue sur la religion, la politique ou même le Manchester United.
Beaucoup d’iraniens auxquels nous avons parlé ont exprimé leur désir d’un changement politique et socio-économique. Ces dernières années l’électorat s’est proclamé en faveur d’un président et de partis réformateurs qui, prônent une légère libéralisation économique, politique et sociale, et sont maintenant en majorité au parlement. Mais ces forces pour le changement s’opposent à une ligne cléricale pure et dure toujours trés influente qui a même obtenu récemment la fermeture de la plupart des journaux supportant la réforme. Si la tension entre les deux groupes est évidente, le résultat en est moins clair.
Voyager en Iran est facile et peu onéreux. Le pays est un des plus gros producteurs de pétrole, ce qui en partie explique que le prix de l’essence y soit presque 40 fois moins cher qu’en Grande-Bretagne. Un périple de 8 heures en bus ne coûte que £1, tandis qu’un vol d’une heure aux environs de £20. Les routes sont généralement bonnes et confortables et des cars avec air conditionné sont disponibles sur la plupart des routes principales. Taxis et bus (avec sièges séparés entre hommes et femmes) font le tour des villes et villages. Attendez-vous toutefois à vous y faire quelques cheveux blancs.
Le paysage de l’Iran est trés varié. Au nord de la capitale Téhéran culminent les montagnes Alborz à 5500 mètres d’altitude. Traverser ces sommets le long de routes sinueuses aux bords de rochers escarpés est à la fois excitant et impressionant et témoigne des forces de la nature (les tremblements de terre sont fréquents dans la région) et de la précarité de notre existence. La face nord plus boisée descend jusqu’à la mer caspienne, le plus grand lac au monde. Cette verdure contraste avec l’aridité de deux immenses désert situés à l‘est de Téhéran.
L’artisanat iranien est aussi très varié, avec en particulier ses tapis. Qu’ils soient en soie ou en laine, tissés à la main ou à la machine, ils offrent une grande variété de couleurs et de tailles. Marchander un tapis autour d’une tasse de thé est chose courante. Nos parquets se sont d’ailleurs enrichis de cette expérience. L’oeil iranien pour l’art et le design se reflète également à l’intérieur des mosquées, et en particulier à Esfahan, une des plus belles au monde. Souvent carrelées du sol au plafond de turquoise et de cobalt, les mosquées sont de frais et tranquilles abris qui vous éloignent des tracas de la vie courante pour des occupations plus spirituelles. Les vestiges impressionnants de l’ancienne ville de Persepolis témoignent de la relative jeunesse de notre civilisation. La ville désertée de Bam faite de glaise et d’eau il y a plus de 500 ans est un autre intrigant retour dans le temps. Et le faible nombre de touristes y est un autre atout.
L’Iran produit en abondance fruits et légumes frais qui, combinés avec une société non-alcoolisée offrent un régime assez diététique. Le soir, en particulier le jeudi (jour précédant le week-end), les parcs et jardins se remplissent de familles venant pique-niquer et jouer au ballon. Le penchant pour les pique-niques signifie aussi qu’il n’y a que très peu de restaurants et les menus limités. J’atteignai d’ailleurs mon quota annuel de kebabs et de riz en seulemet trois semaines et ce, aussi en partie, à cause de mon Farsi parlé restreint. Le thé y est bu dans de grandes urnes et les maisons de thé y sont charmantes. Qu’est-ce qu’un anglais voudrait de plus?
Ne croyez donc pas tout ce que vous lisez dans les journeaux. Je me sentis plus en sécurité en Iran que parfois en Angleterre. Bien que d’un côté il soit agréable de marcher dans le rues de Londres sans être questionné sur ses origines, la curiosité et l’hospitalité iranienne ainsi que les mosquées et les paysages me manqueront. Alors que je mords à pleine dents dans une juteuse date du bazar de Téhéran, une seule idée me vient à l’esprit: l’Iran; et le contraire serait choquant.