C'était la dernière semaine d'octobre et les touristes étaient déjà partis. Esquichée entre 2 îlotes tentant d'attirer mon attention, je regardai par la fenêtre pour ne voir que de dangereux nuages et de l'eau-eau sous forme de pluie, vagues et sueur. Cette sueur grippale m'avait accompagnée depuis que le Ferry avait quitté Doolin 15 km plus tôt et la pluie m'avait souhaité bon voyage, dançant dans l'air tel des courseaux. Quelque part, là-bas, se trouvait l'île Inishmore (Inis Mór in Irish).
A ma gauche, Colm un pêcheur aux yeux bleux.
"je voulais venir ici depuis un moment mais.." Le Ferry, aussi serré qu'un bateau de pêche la journée sauta sur une vague de 20 pieds. "Avez-vous vécu sur l'île toute votre vie?" demandai-je d'une voix aussi basse que la sienne. "Oh oui, pêcheur ici depuis que je suis né."
A ma droite une femme aux cheveux blancs et taches de rousseur se présenta comme Niamph. Elle tricotait lentement. "c'est un point de maille" dit-elle. Chaque pull tricoté sur Inishmore est different. Niamph me tendit ses aiguilles et guida mes mains trop grandes à travers mon premier point, comme si j;étais une lointaine parente américaine.
"Brillant. Elle est douée." s'exclama Colm de l'autre côté. Il avait d'épaisses mêches noires. "Peût-être resterai-je ici un an."
Le ferry prit une autre vague. Je poussai Colm sur le côté et fonçait à l'avant. Je me courbai, une sorte de révérence à la mer. La pluie et les vagues continuaient et mon jean se retrouva trempé. Quelqu'un tira mes cheveux en arrière. "il n'y en a pas pour longtemps; la mer se calmera bientôt. Colm. Tout à coup l'océan était devenu une femme. Il mit une veste sur mes épaules, un de ces impers jaunes, comme ceux des chauffeurs de bus d'écoles.
Une heure plus tard, je descandai du bateau et m'enfouis à l'intérieur d'un mini van appartenant à Neil, un pécheur à la retraite. Neil me déposa gratuitement à l'hotel, mais à la seule condition que je prenne son tour le lendemain. "Et n'oubliez pas de venir au pub ce soir. A votre santé!" Et il partit.
Le soleil plongea dans la mer et la neige tourna à la pluie. Je me changeai avec des vêtements secs et marchai un peu moins d'un km en direction du pub pour un pain au soda et une soupe barley. Il n'y avait pas d'électricité. "Ca va durer une semaine" dit Molly la serveuse. Comme si les clients ne connaissaient pas le chemin jusqu'au pub.
Bientôt les habitants arrivèrent habillés comme Oscar Wilde ou des playboys de l'ouest, avec leurs parures d'or et d'argent. Ce soir tout le monde célèbrerait le nouvel an celtique. Namph entra, des paillettes sous les yeux, et me présenta son mari, 5 enfants et une ribambelle de petits-enfants. Je m'asseillai en face du feu avec l'un d'eux sur les genoux. Oui je travaillerai au Bed & Breakfast le jour ,et passerai mes soirées au pub avec Colm, jouant du tambourin bodhran et essuyant ma moustache de Guiness avec mon pull.
Le pub s'anima avec ces têtes blanches tournoyant au milieu de la salle comme des balles de ping pong alors que le joueur de banjo et le percussioniste entamaient leur concert. Je vis Colm dans un coin. Il me salua avec sa pinte. Un vieil homme, dans une veste usée, sortit de la foule et se mit à danser au milieu du cercle, tapant du pied la mesure. Ils le connaissent de nom, je pensais, par héritage. De grosses gouttes de sueurs perlaient sur son front. C'est pour ça que j'étais venu à Inishmore. Je téléphonai à ma mère.
"Maman, je vais rester à Inishmore, marier le pêcheur et avoir 6 enfants, tous des garçons. Et je leur tricoterai à tous des pull-overs."
"Mmmhmm..." Elle me rappelait des appels similaires que j'avais fais des kibboutz en Israel l'année d'avant et d'une vigne allemande, en mars dernier
Je raccrochai et partis dans la nuit, un peu effarouchée et peu sûre des formes de la route. Une lune fumée paignait d'argent les rangées de pierres des murs. Comme des fantômes sans forme se liant les uns aux autres et à la terre, les murs me guidèrent jusqu'à mon hotel. Le son de l'Atlantique se faisait entendre dans le vent et je frissonais. Habituée à l'éclairage des rues et aux passants qui fixent le trottoir au lieu des visages, j'étais enthousiasmée par la pureté de l'île et des gens. Chaleur humaine et sécurité reignaient à Inishmore, un "bienvenu" remplaçcant le besoin d'une lumière artificielle. A Inishmore, la voix de chacun se noie dans le son de l'océan.
Le lendemain matin, je me reveillai au son de la pluie et à l'odeur de brioches à la canelle. Aprés le thé, Neil le pêcheur retraité reconverti guide me conduisit à Dún Aengus, un fort situé au sommet d'une falaise de 270 pieds encerclé par des centaines de monts à l'angulaire maladroit. Je trébuchai à travers les pics et trouva mon chemin jusqu'au sommet, un endroit où les pensées deviennent claires. Je m'appuyais contre le mur de pierres et ouvrais mon journal. "1er Novembre. L'herbe est encore verte."
Assise sur le bord de la falaise,l'étendue de collines en pente et murs entrelacés derrière moi, le paysage apparaissait bien plus spectaculaire que sur les photos de mon guide. Il y a des centaines d'années, des guerriers étaient venus ici en expédition, et des femmes s'y étaient réfugiés recherchant leur mari durant des orages. Maintenant, de jeunes urbains comme moi y prennent une longue respiration. L'imagination revient au galot dans un tel endroit.
Cet aprés-midi là, Colm et moi marchèrent jusqu'à l'école à laquelle il avait été, comme tout le monde ici. "Je n'aimais pas beaucoup l'école et voulais toujours être en mer." dit Colm. Je tenai sa main gercée. "Je n'ai jamais voulu être autre chose qu'être pêcheur." Cette année j'avais changé d'études 3 fois. J'avais voyagé jusqu'à Inishmore avec l'intention de faire quelque choix et mettre ma vie en perspective. Je prendrai les aiguilles et vendrai des pull-overs dans un magasin au bord de la route. J'écrirai des poèmes et composerai des chansons sur les phoques et la mer du fond de mon cottage confortable. Serait-il vraiment facile de tout oublier pour venir vivre ici, je me disais "tu es chanceux Colm"
Le jour d'aprés, je visitai une église en ruines et son cimetière. Les pierres sont la principale richesse
des îles d' Aran. Les murs ont été érigés des mains des fermiers il y a des centaines d'années. Quand un bâtiment devient inutile, comme l'église, les gens au lieu de le raser le laissent tel quel. Pierre aprés pierre l'église, comme les murs, se défont sous les orages à travers les années et finissent recouverts de mousse.
Durant mes 4 jours sur l'île, la pluie cessa environ 10 mn et l'électricité ne revint jamais. Neanmoins, je regardai les phoques dormir sur la plage. Je ramassai des coquillages et faisais le tour de l'île (12 km )à vélo.
Je ne fus jamais capable de suivre la côte, de Kerry à Clare, alors que certains guides assurent que vous pouvez le faire de Dun Aengus. La brume m'avait piégée.
Parfois vous avez besoin d'un endroit en pleine nature et de gens vrais comme seule source d'inspiration. Alors que j'errai ente les dolmens et les barrières en ruine, je voyageai à travers églises et cimetières centenaires, où des familles avaient été enterrées. Même les phoques se prettaient aux parfaits clichés. Mais je decidais de ne pas marier Colm. Je serais trop inquiète pour lui sur son si petit bateau. Et je ne pourrai passer ma vie sur l'île, pas parce qu'il n'y a que 2 routes et seulement 2 grands magasins, mais parce que la vérité d' Inishmore est comme un mythe à mes yeux. Je ne pourrai seulement m'en emmerveiller de l'exterieur. Si je restais, je pourrai m'habituer aux pannes de courant et aux rues sombres, mais un jour je voudrai retraverser l'Atalantique.
Le dernier jour, Neil me conduisit au port, et je rencontrais Colm vidant l'eau de son bateau. Il me demanda si j'avais jamais rencontré Michael Jordan à Chicago et si j'aimais la country? Il aime Garth Brooks, mais le magasin de musique de Galway n'a jamais le cd qu'il veut. Pourrai-je lui envoyer des USA?.
"Bien sûr" je riais. Il se pencha et m'embrassa avec ses sombres lèvres violètes. Le ferry sonna et Colm me rendit à la civilisation
Renseignements utiles:
Aller aux îles d'Aran
Un catamaran rapide dessert les îles d'Aran à 40 minutes de Liscannor, mais seulement pendant la saison touristique. season. L'été jusqu'à 15,000 visiteurs par jour dont beaucoup de touristes gachent le plaisir de l'endroit.
Une autre option est un vol avec Aer Arann, au départ du Connemara. Le voyage en ferry est de 3 heures, au lieu des 10 minutes en avion. Appeler Aran Seabird Company au 011-353-091-561-767 pour le ferry.
Sur Inishmore, c'est £5 pour louer un vélo à Kilronan, faire de l'auto-stop et louer un poney: £10 ou utiliser le van d'un habitant.