Lorsqu’on connait l’extrême précision de la musique de Moby, une musique à base de machines et autres prouesses technologiques, on ne peut que s’attendre à un concert figé où la présence de l’homme ne se justifierait que par la poussée stratégique de quelques boutons qui déclencheraient une symphonie d'ordinateurs. Tout au contraire, Moby s’avère être une bête de scène et son spectacle une démonstration du mélange explosif de son techno-rock.
La première partie fut assurée par Hybrid, jeune trio prodige anglais dont la techno, entre Orbital et Crystal Method sût chauffer la salle avec succés. Ce début ne pouvait être que de bonne augure de ce qui allait suivre puisque, généralement, les premières parties ne sont que de douloureux bouche-trous.
Moby ressemble, sur scène, à un lutin bondissant. Il court, saute, monte sur son clavier, change de guitare, prend le micro, tape sur des congas et, joue du clavier. Le spectacle oscilla donc continuellement entre énergie et émotion qui parfois se fondirent en un ultime moment extatique. Le musicien sut aussi faire preuve d'humour et de générosité. Il prit soin de remercier la ville qui fut l'une des premières à s'ouvrir à sa musique et offrit quelques passages accoustiques quasi-improvisés et hommages à certains de ses héros comme Neil Young. Les "encore" s'enchaînairent d'autant plus vite, que soucieux du couvre-feu sonore qui affecte l'endroit (le Greek Theater est ancré dans l'un des quarties résidentiels les plus huppés de Los Angeles où les voisins s'appèlent Nicolas Cage, Gwen Stefani,...), il sacrifia ses moments de repos afin d'étancher la soif musicale de son public. Il ne manqua pas, non plus, de se mettre en retrait au profit de sa choriste anglaise dont la voix puissante ne fit qu'amplifer l'impact de sa musique.
Le concert avait lieu au Greek Theater, salle en plein air qui s’enfonce dans la forêt de Griffith Park, au pied du fameux observatoire. Un lieu donc magique et en parfaite osmose avec la musique de Moby. Evidemment, l’album Play eut la part belle dans ce show toutefois agrémenté de ses classiques techno ultérieurs.
Si les versions live étaient fidèles aux versions studio, une énergie communicative et des congas omni-présents vinrent épicer le tout.
"My Weakness" démarra les hostilités en douceur. Suivirent la majorité des classiques de cet album dont "Find My Baby", "South Side". Une version musclée du "James Bond Theme" fit passer le concert à la vitesse supérieure tandis que "Bodyrock" enflamma la foule et démontra que le mariage réussi de l'électronique et du rock s'avère plus efficace que toutes les lourdes guitares graisseuses du moment. Les meilleurs passages du concert furent cepandant ses morceaux mid-tempo aux claviers et samples entêtants qui lentement vous rongent jusqu'à vous hypnotiser totalement. "Why Does My Heart Feel So Bad?" allia avec grâce la voix de la chanteuse et la mélancolie du morceau. "Natural Blues", loin de donner le blues, fit voyager les spectateurs aux fin fond de ses boucles entraînantes. "Go" dont les samples du thème du feuilleton Twin Peaks associés à des boites à rythmes l'ont rendu célèbre, apporta une touche d'étrangeté au spectacle. Moby qui d'ailleurs salua la magie de jouer "Go" au milieu de cette forêt rappelant le feuilleton, ne pouvait si bien dire puisqu'une des actrices se trouvait parmi les spectateurs. "Everloving" monta en puissance tout doucement jusqu'à vous envelopper de sa beauté. "The Sky Is Broken", un des morceaux les plus discrets de Play, avec son phrasé monotone et sa rythmique bizare quasi-léthargique s'acheva dans une surenchère de claviers puissants et allégoriques pour une plus grande émotion. "Feeling So Real" fut assez surprenant puisque commença avec seulement une guitare accoustique et la voix de la choriste pour ensuite exploser dans la techno rapide de la version de l'album Everything Is Wrong. Le concert se termina avec l'homme et son échantillonneur en un final apocalyptique où lumière et rythmes s'accélèreraient à l'unisson.
Si voir Moby sur scène est un évènement en soit, sa musique, sa présence et le lieu se combinèrent à merveille pour un moment unique.