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Jazz sous les Pommiers: Coutances









Jazz sous les Pommiers
Coutances - 20 au 27 mai 2006

Mercredi 23 mai 2006. En cette veille de week-end prolongé, j'arrive à Coutances, petite ville tranquille située au cœur du bocage normand. Le ciel est lourd de menaces et la température fraîche. Règne dans les rues une ambiance de film noir, accentuée par une présence policière inhabituelle et une bande son jazzy propre au genre cinématographique : la 25ème édition du Festival de Jazz Sous Les Pommiers vient de s'ouvrir.

Cette année encore, Denis Lebas, directeur de la manifestation, a réaffirmé sa volonté d'ouvrir ce festival à un jazz métissé et pluriel. La programmation éclectique vise un large public d'initiés mais aussi de néophytes. Telle est la vocation notamment de la " Folle soirée ", laquelle prévoit l'accès aux sept scènes de l'événement, avec un seul et même " pass ". D'aucuns auront pu danser respectivement sur les rythmes salsa et africains de Yuri Buenaventura et du groupe nigérian Fémi Kuti. D'autres ont pu découvrir le ska-jazz de Josh Roseman's Constellations, tout droit venu de new York ou fêter les vingt ans de l'un des groupes phare du jazz fusion, Sixun, réuni autour de Luis Winsberg.

Le talentueux guitariste, en résidence actuellement pour trois ans à Coutances, présentait également d'autres projets dont une création en collaboration avec Dee Dee Bridgewater. Dans un duo acoustique plutôt intimiste, les deux artistes nous ont proposé une réadaptation des grands standards internationaux tels que Purple Rain, Besa Me Mucho, Bagdad Café, Imagine, Never Knows,… Voix et guitare sèche à l'unisson entament un dialogue où alterne un jeu de phrasés, d'accords et de vocalises. On reste suspendu aux cordes de la guitare de Winsberg. Lors de l'interview accordée la veille du concert, il précisait : " nous avons choisi les morceaux ensemble avec Dee Dee et nous avons porté le travail sur l'accompagnement de la voix de façon épurée, en partant de l'art du flamenco. Nous souhaitions faire quelque chose d'inattendu et de varié ". Le résultat est osé mais Dee Dee sait se faire complice avec son public qui en redemande. Une revanche pour cette Française de cœur qui nous confie avoir été extrêmement blessée par l'accueil frileux de son album J'ai Deux Amours par la presse.

En milieu de semaine Salif Keita accompagné de sept musiciens et deux choristes nous invitaient à vibrer sur des sonorités contrastées et des rythmes marqués. Alliant instruments traditionnels, batteries et guitares électriques, le chanteur qualifié si souvent de " voix d'or du Mali " enchaîne les titres distillant, toute son énergie au public. Mais cette énergie, il la met aussi au profit de son engagement et de son désir de renouvellement. (voir interview). Parmi les moments forts du festival, la prestation de Pétra Magoni n'a pas laissé de marbre. La chanteuse italienne et le musicien Ferruccio Spinetti ont conquis les amateurs lors du week-end d'ouverture. Impressionnante de maîtrise, la voix enfantine de l'intense interprète, sensuelle et joueuse, s'élève magistralement dans les aigus. Sa diction rapide et son phrasé tonique vont même jusqu'à se confondre avec les pizzicati de la contrebasse. Le duo nous plonge dans un répertoire varié mélangeant compositions personnelles et interprétations surprenantes de standards pop rock tels que Like a virgin, Couleur café, Come Together. A découvrir dans l'album Musica Nuda 2.

Impossible de passer sous silence le concert d'Avishaï Cohen trio. Israélien d'origine, vivant actuellement à New York, Avishaï fut pendant six ans le contrebassiste de Chick Corea. A trente trois ans, ce jeune compositeur a déjà à son actif six albums. Le dernier album du trio, Continuo, récemment sorti dans les bacs, est une véritable invitation au voyage. Sur les titres Elli, Ani Maami et Calm on se laisse littéralement happer par le piano de Sam Barsh. Sublime.

Autre moment très attendu du festival, le trio Beyond. Le batteur Jack DeJonhette, le guitariste Jonh Scofield et l'organiste Larry Goldings se sont réunis pour un hommage au grand batteur Tomy Williams, au cours duquel ils ont aussi joué d'autres compositions de Miles Davis, Jonh McLaughlin, Wayne Shorter. Mais au-delà de la prestation technique indiscutable de ces trois pointures du jazz, l'émotion n'était pas au rendez-vous. L'ensemble figé reste froid et on s'ennuie ferme.

Les amateurs de big band n'ont, en revanche, pas été déçus par la performance de Gros cube. Cette solide formation de 14 musiciens nantais pratique un art consommé du collage musical, qui voit les époques et les styles musicaux entretenir un dialogue complice. L'énergique Alban Darche (saxophoniste, membre du Sacre du Printemps, vainqueur dans la catégorie révélation musicale aux victoires du jazz 2006) emmène un ensemble où la part belle est laissée aux improvisations et aux compositions originales, parfois inclassables. Rond, équilibré et tonique à la fois, ce jazz actuel revigorant n'oublie jamais de swinguer !

Du côté de la scène électro-jazz, on retiendra le nom de Briskey. Le groupe belge, découvert au North Sea Jazz Festival, mélange les racines du jazz, le ska, le big band des années 30 avec la musique électronique contemporaine. Chant (Dorona Alberti) et instruments acoustiques (batterie, trompette, saxophones et contrebasse) se combinent avec des samples, offrant ainsi une large palette sonore et une dynamique musicale dans laquelle l'alchimie entre les musiciens s'exprime pleinement. Gert Keunen, le leader du groupe, m'explique que son travail de création consiste à raconter une histoire à travers une musique cinématographique dans laquelle le spectateur se ferait son propre scénario. Pari réussi : me voilà tour à tour embarquée à l'époque sombre des Blues Brothers, le charleston des années folles ou l'univers des Tex Avery ! A écouter sur leur deuxième album Scarlett Road- House.

Autre style, autre révélation : Arnaud Méthivier dit Nano, véritable prodige de l'accordéon, nous emporte de L'autre côté du vent , titre de son dernier album mélancolique. Fort de ses différentes collaborations (il a accompagné Kent, Stephan Eicher, Les Innocents, Boy George, Suzanne Vega, Georges Moustaki) le compositeur qu'il est devenu par la suite s'est forgé un univers personnel dense dans lequel on le suit volontiers. Seul sur scène, Nano fusionne avec son instrument. S'adjoint, à la large tessiture de sa voix, l'expressivité de son regard captivant. Nous sommes bien loin de l'image traditionnelle de l'accordéon. A écouter et à voir donc!

Le festival est aussi l'occasion pour de jeunes artistes de promouvoir leur musique.

Ainsi, la chanteuse et compositrice d'origine malgache, Séhéno, accompagnée de quatre musiciens (guitare, basse, tablas, percussions) nous offre, via une voix chaleureuse, un répertoire dans sa langue maternelle riche en couleurs. Issue d'une famille de musiciens auprès desquels elle a fait ses débuts, elle puise désormais ses inspirations dans la musique traditionnelle de Madagascar ainsi que dans le chant indien, le druhpad et les percussions brésiliennes. Album à venir prochainement.

Autre talent, le tromboniste Sébastien Llado. Tombé tout jeune dans le chaudron de la potion musicale, c'est " par hasard ", nous dit-il, qu'il commence une formation classique. Très rapidement, il " s'ennuie dans les parties pour trombone du répertoire classique ". Il se tourne alors vers le jazz. Etudes au Berklee College of Music de Boston, puis au CNSM de Paris, membre de l'Orchestre National de Jazz, il monte un premier groupe de trombones, les Spice Bones, puis un trio et un quatuor (trombone, piano, batterie, contrebasse, invité du Festival.

Son travail est composite : "je décortique et recompose des standards, avec une vision personnelle et non pas en faisant une simple ré-interprétation du morceau". Sébastien joue aussi du coquillage, plus précisément de la conque, une tradition séculaire qu'il a découverte au cours de voyages. En résumé : prenez une bonne dose d'aptitudes personnelles, additionnez de créativité et de professionnalisme, saupoudrez d'une pincée d'humour, le tout cultivé sur un terreau familial fertile et vous obtenez des versions jazz originales et joyeusement enlevées de Paroles, Paroles, La madrague, Billy Jean,… Avec une soixantaine de concerts proposés sur la semaine, je passe évidemment sous silence bien d'autres artistes connus et peut-être les talents de demain. Mais le jazz tel que j'ai pu l'appréhender durant ces quelques jours est bel et bien une musique vivante qui sait évoluer avec son temps sans pour autant renier ses origines.

Pour les organisateurs, cette édition constitue une réussite et " un bel anniversaire contre les éléments " et toute l'équipe est déjà à pied d'œuvre pour nous concocter la programmation de 2007…

  Véronique Jean

     interview de Salif Keita


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