critique de 4 mois, 3 semaines et 2 jours
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Assez proche de la très remarquée Mort de Dante Lazarescu, de Cristi Puiu, 4 mois… utilise une mise en scène naturaliste et virtuose, avec une caméra portée s'autorisant des mouvements à 360 degrés ou des déplacements sur plusieurs dizaines de mètres, sans musique additionnelle, exploitant la lumière naturelle (certaines parties de plans sombrent dans une quasi obscurité, laissant la bande son - bruits des pas d'Otilia, halètement d'une course effrénée - occuper tout l'espace), et surtout, privilégiant les plans séquences. Ce qui donne un étirement du temps où le drame prend toute son ampleur. Plutôt habile, Cristian Mungiu évite nombre de pièges se dressant sur la route de ce genre de partis pris, parvenant à instiller une ambiance sordide et pesante sans céder à la démonstration, le recours à la poétique du hors champ aidant. Notamment lors de la scène où les deux jeunes amies acceptent de troquer leur corps contre l'opération, ou encore au cours du dialogue qu'elles entament, une fois M. Bébé parti. Porté de bout en bout par ses acteurs, Anamaria Marinca en tête, le film s'attarde principalement aux sentiments humains, la caméra de Mungiu prenant le temps de les laisser se révéler, de jaillir au détour d'une phrase, d'un regard. Essentiellement dans la relation entre les deux jeunes femmes, l'une toute en candeur et innocence, l'autre toute en force, en mouvements, assumant pour deux le poids de la responsabilité. Une force qui s'effrite dans des silences pesants, face notamment au choc des générations et des classes sociales, dans une poignante scène de repas de famille. Seul bémol, ce plan appuyé sur le fœtus gisant dans la salle de bain. Là où il démontre une intelligence certaine à suggérer plus qu'à montrer, voilà que le réalisateur prend les sentiments du spectateur en otage en s'attardant sur un cadavre. Dommage.
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