Avec : Eminem, Kim Basinger, Brittany Murphy, Mekhi Phifer
Durée : 1:50
Pays : USA
Année : 2003
Web : Site Officiel
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« Rabbit » (Eminem), un jeune blanc-bec aux baggy et casquette de rigueur, traverse avec son air irascible la 8 Mile, la route qui sépare les quartiers noirs et blancs d'une banlieue de Détroit. Il oscille entre une mère alcoolique (une Kim Basinger qui poursuit sa mutation d'actrice), un travail insipide dans une usine de voitures, sa bande de potes (son posse à la vie comme à l'écran) et des concours de rap qui le paniquent malgré tout son talent.
De ce point de vue là, le film n'est que le prolongement du dernier album d'Eminem (cf le single « Cleaning out my closet ») et se situe dans la même veine autobiographique. Cependant, n'attendez pas ici le récit de sa gloire naissante mais juste une évocation circonscrite de son univers urbain. Simple décor d'une vie quotidienne à laquelle semble s'attacher Curtis Hanson (L.A. Confidential). Il faut recoller les morceaux pour se bâtir une existence potable, c'est-à-dire aider une mère à la dérive, assainir ses relations amicales et amoureuses, conserver ses exigences en matière musicale et ne pas céder aux sirènes de l'industrie discographique, réduite ici à une bande de bad boys et d'amis retors.
Une expérience de la maturation et de la responsabilité, à la fois générale (les rappeurs revendiquent par souci de crédibilité ces origines difficiles) et personnelle. Mais alors, ce n'est pas l'histoire d'Eminem ? Non, plutôt une étape, à l'image d'un album.
Reste alors pour nous, avides d'histoires fondatrices, l'éventuelle plongée dans la genèse du rap, puisqu'on remonte ici à la source par l'intermédiaire de l'un de ses plus célèbres représentants. Le film égrène cette musique comme moyen d'expression multiple : conversations, communions, engueulades, jusqu'à ces concours de hip hop que Hanson filme comme des combats de boxe. Le rap apparaît alors comme un moyen d'affirmation, le versant opposé aux discours et poses mégalos des clips de rap. Curtis Hanson rejette l'imagerie gangsta au profit d'une histoire, l'histoire d'un individu qui aime le rap, mais qui avant tout, cherche à maîtriser le monde qui l'entoure, plutôt que de songer à en sortir : penser à son devenir, plutôt qu'à une illusoire transformation. Un excès d'intégrité louable, mais qui ne fait pas violence à ses personnages et à sa narration, plombés par une morale de l'effort et de l'authenticité.
Alors, coincé entre une vrai-fausse bio filmée de la vie du rappeur blanc, et une entreprise générique sur la nature du rap, 8 Mile apparaît comme un film paradoxalement sobre et neutre : sans discours conséquent sur la musique qui l'anime, sans culte de la réussite. Au final, une simple chronique urbaine sur une jeunesse de banlieue, presque anodin.
Et Eminem ? Très appliqué, sans un sourire, sans pitrerie, naturellement à l'aise dans ce rôle.