critique de April Snow
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Hur Jin-ho nous narre l'histoire de In-su, ingénieur du son de 31 ans, et de Seo-young, femme au foyer de 27 ans. Tous deux sont appelés d'urgence dans un hôpital de la province de Séoul pour découvrir leurs conjoints respectifs dans un piteux état suite à un terrible accident de voiture. Ils ne tardent pas, en consultant messageries vocales ou appareils photo numériques, à comprendre les liens extraconjugaux qui existaient entre eux et dès lors ils vont indéfectiblement se rapprocher l'un de l'autre. Le propos flirte avec les mélos les plus éprouvés mais choisi de s'enferrer dans une structure terne et aseptisée (pluie triste, couleurs élimées…) pour sous-tendre l'évolution de la douleur des personnages. Le titre original du film signifiait " entrer/sortir " et c'est naturellement que le cinéaste entreprend la description d'une bulle stupéfaite et amidonnée dans laquelle In-su et Seo-young évoluent en stase (mouvements minimaux, disparition de repères temporels à l'exception d'un calendrier arraché, ancrage avec les corps amorphes et vides des époux…). Loin des trahisons intimes et des emballements énamourés exaltés la mécanique de la mise en scène viatique enjoint à se dépassionner pour se libérer. En bref, cultiver le vide pour accéder à l'éveil. Nous suivons ainsi une laborieuse et âpre translation (corridors d'un hôtel neutres, travellings sur des paysages ruraux captés à la fenêtre d'une voiture) ne faisant qu'effleurer les affects esquissés au loin et participant à une décantation naïve des sentiments-flocons. Nous pouvons reprocher à l'auteur des tics similaires à son précédent Christmas In August : la représentation laconique d'une agonie languide, le recours mièvre au pathos larmoyant et la croyance sacerdotale en une solitude ascète au sein du plan (Son Ye-jin et son walkman). Etrangement la manière dont il isole ou emmure ses protagonistes dans le cadre exerce une fascination immédiate sur le spectateur mais à force de creuser cette veine sans l'humecter le cinéaste finit par rompre le lien avec son auditoire. Tout le contraire de l'immense Hong Sang-soo qui innerve d'ivresse scabreuse ses récits emplis d'ellipses et de vacuité (La Femme Est L'Avenir De L'Homme, Le Pouvoir De La Province De Kangwon). Le long métrage s'étiole ainsi dans un climax austère et stérilisé induisant une dépression presque morbide (Seo-young recouvrant son mari dans le coma d'une couverture) semblable à celle qui marbrait Une Femme Coréenne. Mais l'absence de la frontalité de l'horreur ou le refus croissant et pudibond d'une quelconque dimension charnelle (durant le coït les regards se croisent à peine et c'est seule que la jeune femme s'observe en détail dans un miroir) le réprime dans une souffrance frigide. Le récit aurait sans doute dérapé lentement vers le surréalisme à force de rigueur et de silences appuyés s'il n'était cette musique omniprésente et pénible annihilant les qualités baroques de cette déconcertante hibernation.
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