Bab'Aziz movie review DVD critique de Bab'Aziz



 

 



critique de Bab'Aziz

Bab'Aziz

:. Réalisateur : Nacer Khemir
:. Acteurs : Parviz Shahinkhou, Maryam Hamid
:. Scénario : Nacer Khemir, Tonino Guerra
:. Durée : 1:36
:. Année : 2006
:. Pays : France, Tunisie


Au sujet de son troisième film, Nacer Khemir a clairement précisé quelle intention l'avait guidé : " rétablir le vrai visage de l'Islam ". Pour contrer l'image d'hystérie fanatique et de terrorisme fondamentaliste qui s'est imposée depuis un certain 11 septembre, il a donc décidé d'illustrer ce qu'il y a sans doute de plus beau parmi les diverses traditions de culture musulmane : le soufisme. C'est-à-dire la voie ésotérique de l'Islam, pétrie de sagesse et de poésie.

Nous sommes dans un désert. Après une tempête de sable, qui a changé la forme des dunes et effacé tous les repères, deux personnages émergent du sable : Bab'Aziz, un vieux derviche aveugle, accompagné de sa petite-fille Ishtar. Tous deux cherchent l'endroit secret où se tiendra la grande réunion des derviches, qui a lieu tous les trente ans. En chemin, le vieil homme narre à l'enfant un conte, l'histoire d'un prince qui a disparu… Sur leur route, ils vont croiser d'autres passants, fous et sages. Chacun suit sa propre quête, vit son propre conte.

Nacer Khemir, avant d'être cinéaste, est un conteur oriental, capable d'enchaîner pendant des heures des histoires tirées des Mille et Une Nuits. Comme ses deux premiers films, Les Baliseurs du désert et Le Collier perdu de la colombe, Bab'Aziz emprunte lui aussi la forme du conte. Situé principalement dans le désert, un décor qui semble n'avoir ni commencement ni fin, dans l'éternité actualisée d'un " Il était une fois ", le récit se déroule sur une trame apparemment limpide, mais dont les fils se croisent de façon souterraine. Ainsi, un même personnage, le balayeur, apparaît à deux niveaux différents du récit, comme cette gazelle qui traverse elle aussi la narration. De même les motifs se répondent dans un subtil jeu d'échos. Par exemple, le motif de l'eau : d'abord un serviteur en fait goûter une gorgée au prince ; celui-ci la trouve trop amère, et ordonne : " Creuse encore. " Puis il disparaît, et c'est penché sur l'eau qu'on le retrouvera, hébété, " contemplant son âme ". Ensuite, c'est le personnage d'Osmane, apparemment devenu fou, qui se jette dans un puits, à la recherche, explique-t-il, du palais qui lui est apparu alors qu'il s'était caché dans un autre puits… Ce sont donc deux figures symétriques, qui évoluent selon des trajectoires complémentaires : le prince se détache de ses biens et va vers l'ascèse, tandis qu'Osmane au contraire poursuit une luxuriance brièvement entrevue. A chaque fois, l'eau intervient comme élément transitoire, symbole du passage entre deux états existentiels.

En fait, chaque personnage du film chemine sur la voie de la sagesse. Autant d'êtres humains, autant de voies possibles : c'est ce que proclame le soufisme. La transmission est essentielle : elle passe par le dialogue entre Bab'Aziz et Ishtar (dont le nom signifie "petite âme"), mais aussi par les rencontres, qui sont toujours l'occasion de partage et d'échange : musique, danse, repas, ou simplement le fait de marcher ensemble, chaque moment est vécu comme une étape de la connaissance, jusqu'à la grande fête finale. Où se tient cette fameuse réunion des derviches ? A Zaïd le chanteur, Bab'Aziz dit : "Ta voix t'ouvrira le chemin". Et c'est bien ce qui arrive : son chant séduit une femme, et pour retrouver cette femme lui aussi devra se faire derviche. L'amour, comme le résume l'histoire des trois papillons autour du feu, est une des clés du dépassement de soi, de l'élévation spirituelle. Ainsi, Bab'Aziz est autant une "défense et illustration" de l'Islam que de l'amour. Tout dans ce film concourt à émerveiller le spectateur, de la poésie des dialogues au charme des séquences musicales, en passant par sa beauté plastique : somptuosité des décors et des costumes, force des images (les palmiers en flammes, le palais ensablé, les variations de la lumière sur le sable du désert…), tous les éléments contribuent à faire de Bab'Aziz une miniature richement ouvragée, un poème cinématographique d'une splendeur sans pareille à la gloire du soufisme.


  Damien Panerai


    


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