Broken Flowers
Réalisé par Jim Jarmusch
Avec : Bill Murray, Sharon Stone, Julie Delpy, Tilda Swinton
Scénario : Jim Jarmusch
Titre Original : Broken Flowers
Durée : 1:45
Pays : USA
Année : 2005
Site Officiel : Broken Flowers
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Jim Jarmusch s'amuse et son plaisir est contagieux. Comédie farfelue, Broken Flowers jette sur les routes américaines un quinquagénaire séducteur, qui apprend par une lettre sa paternité. Le Don Juan patenté, assisté par un voisin passionné d'enquêtes policières, se lance dans une investigation, aux allures de d'introspection. Ses anciennes conquêtes l'amènent à mettre en perspective une existence confortable mais solitaire. Bill Muray, clown triste, campe un personnage hiératique, pour qui l'altérité n'a jamais été éprouvée que par procuration. Son visage écran inscrit les émotions les plus subtiles. C'est la grande force du jeu de cet acteur qui compte indéniablement aujourd'hui parmi les plus grands.
Excellent directeur d'acteurs, Jarmusch s'offre un casting prestigieux pour servir son road-movie décalé. Les femmes que notre héros a aimées écrivent une carte du tendre complexe qui signale, par ricochets, une tendance certaine à la boulimie et à l'auto destruction. En se frottant à ses anciennes conquêtes, le passif héros mesure le temps passé : l'hippie s'est transformée en WASP psycho rigide, une veuve élève une lolita (c'est d'ailleurs son prénom !) délurée. Paradoxalement, celle qui pèse de tout son poids est absente, morte et enterrée. Ce qui en dit long sur la capacité du héros à s'impliquer face aux vivants !
Avec un humour consommé, Jarmusch use de bout en bout d'éléments sur signifiants pour faire avancer sa drôle de quête existentielle : de la machine à écrire qui a servi à la rédaction d'une lettre au papier rose, en passant par un peignoir de la même couleur ou encore la photo d'un chien noir qui porte le même nom que son zélé voisin black (!), les mac guffins ne manquent pas. Ils servent de fil directeur à une enquête incongrue. Tout fait tellement sens que rien n'a plus de sens, en somme. Les signes prolifèrent, se brouillent, se perdent. Jarmusch semble s'amuser ici d'une posture auteurisante qui s'échine, via la métaphore, à faire sens à chaque plan.
Intelligente, sa comédie ne manque pas de charme et d'atouts mais touche rapidement les limites face à un objectif plus ambitieux : rendre compte de l'histoire d'un pays, au travers de sa société. Léger, le propos ne s'élève pas au niveau voulu pour produire un discours sur les Etats-Unis. Certes, le réalisateur plante sa caméra dans différents milieux sociaux, comme autant de portraits de l'Amérique contemporaine. Néanmoins, la légèreté l'emporte. Cette attachante comédie aurait gagné à ce que le parfum de ses fleurs brisées fût plus vénéneux.
Sandrine Marques
Coffee and Cigarettes
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