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Le monde va mal. Avec Bug, huis-clos aussi inquiétant que drôle, adapté de la pièce à succès de Tracy Letts (qui signe également le scénario), l'auteur de l'Exorciste ou de French connection livre une vision noire de la paranoïa dont souffre le monde moderne, engendrée par les menaces terroristes, les guerres et autres manipulations occultes en tous genres : mystiques, politiques, économiques. Agnes, serveuse vivant dans la crainte du retour de son mari tout juste libéré de prison, baigne dans la solitude sordide de sa chambre de motel perdu dans le désert. Lorsqu'elle accueille Peter, un étrange vagabond réservé, au discours énigmatique, elle croit trouver de la compagnie pour combler un vide existentiel. Seulement voilà que l'invasion d'insectes (qu'ils sont seuls à voir) et les théories folles du jeune homme sur le thème de la conspiration l'entraînent peu à peu dans la folie la plus radicale. Dès l'ouverture, Friedkin instille une inquiétude qui ne quittera plus le spectateur, jusqu'au traumatisme que laissent les dernières scènes. D'autant que le malaise exponentiel contenu dans le film se télescope à un humour délicieusement incongru. Plan aérien d'une route perdue dans la nuit, avec au loin le bruit d'un hélicoptère. La caméra se rapproche lentement des lumières d'un motel, décor de la quasi-totalité d'un film à l'atmosphère claustrophobe. Avant même l'arrivée des soi disant insectes, point déclencheur de la folie des protagonistes, l'angoisse règne, sous-jacente, à travers les détails de la mise en scène, des éléments du décor à la bande son, en passant par le jeu physique des acteurs. Gros plan sur un téléphone qui n'arrête pas de sonner pour rester muet une fois le combiné décroché, sur la climatisation ronronnante, sur le ventilateur du plafonnier, prêt à décapiter… Autant d'éléments qui laissent penser que cette chambre de motel sera sous peu le théâtre d'un drame terrible qui accompagnera le spectateur longtemps après le générique de fin. La réussite de ce film inclassable tient également dans l'incroyable jeu des acteurs, Ashley Judd et Michael Shannon en tête. Shannon parvient à conférer une apparente innocence à son personnage, et imposer à son corps une transformation progressive, ses automutilations (scarifications et arrachage de dent sans anesthésie) impressionnant par leur soudaineté et leur violence, tandis que la comédienne s'autorise le luxe de flirter avec le cabotinage, dans les vingt dernières minutes, ce qui ne dessert nullement l'œuvre, puisque ces excès de jeu interviennent lorsque sa folie atteint son acmé, quand plus rien ne semble réel, quand la raison a quitté définitivement les esprits : ceux des protagonistes, reclus dans leur cocon d'amour fou, voire celui du spectateur, pris à la gorge (déployée) par la tension poussée à l'extrême, le décor surréaliste, la logorrhée délirante et la violence des derniers plans. Bug ne laisse pas indifférent. Par ses excès, son outrance stylistique et la radicalité de son propos, il se place parmi les œuvres les plus abouties de Friedkin. Jouissif.
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