Avec : Jack Angstreich, Eric Chadbourne, Bill Heidbreder, Roberta Hill Durée : 1:20 Pays : USA Année : 2002 Web : Site Officiel

Quiconque collectionne avec méthodologie ses tickets de cinéma ou a maintes fois eu des envies de meurtre à l'écoute d'un voisin de siège peu scrupuleux prenant plaisir à mâchouiller sa barre de chocolat se reconnaîtra, à une moindre mesure, dans Cinemania, brillant documentaire sur les compulsions névrotiques de cinq cinéphiles new yorkais dont le hobby tourne à l'obsession.

Ces cinq « cinéphiles de l'extrême » vivent uniquement pour le cinéma, se précipitant d'un métro à l'autre afin de voir une moyenne de cinq films par jour. Avec plusieurs milliers de films à leur actif, ils organisent leur journée autour de ce moment magique où la lumière s'éteint. Travail, famille et autres activités sont secondaires tout comme le sexe et la nourriture. Ils n'ont cependant aucune envie de travailler dans le cinéma ou d'écrire des critiques ; la seule chose qui les intéresse est de voir des films.

Les deux cinéastes les suivent durant leur odyssée, de cinéma en cinéma, à travers la ville. On les voit aussi à la maison, dans des espaces vitaux réduits au strict minimum, sortes de gourbis croulant sous des piles de cassettes vidéo, livres, disques et autres bibelots assurant la promotion du dernier blockbuster à la mode. S'ils se rencontrent continuellement, ils ne se fréquentent pas socialement pour autant, bien que certains d'entre eux entretiennent une relation intéressante.

Tout le monde les connaît, des guichetiers aux ouvreuses en passant par les programmateurs et directeurs de salle. L'un d'entre eux a même le numéro de téléphone de tous les projectionnistes de New York et n'hésite pas à les appeler s'il y a un problème avec la copie du film ou si la durée annoncée dans le journal est erronée.

Roberta a même une fois attaqué une ouvreuse, se retrouvant maintenant bannie dans une des salles. Outre sa haine pour Disney, Jack ne mange jamais de légumes afin d'éviter des problèmes digestifs qui nuiraient à son emploi du temps journalier et l'empêcheraient d'arriver à temps aux projections. L'« écrivain et philosophe » francophile rêve de rencontrer une cinéphile française avec laquelle il pourrait partager sa passion et l'on pourrait sans aucun doute continuer de plus belle à passer au crible leur comportement fantasque.

Ce qui se détache pourtant est la dignité et le respect avec lesquels les réalisateurs Christlieb et Kijak abordent leur sujet. Il ne fait aucun doute que le cinéma est un moyen d'évasion de la réalité et bien qu'on perçoive la difficulté de leur vie « réelle », les cinéastes évitent de l'exploiter. On rit sûrement mais les cinq ne manquent pas non plus de rire d'eux-mêmes.

Voir les « cinémaniaques » en train de visionner un montage du film offre une excellente conclusion. Ils ont maintenant rejoint ces stars qu'ils admirent à l'écran depuis toujours. Ils sont fiers et n'épargnent pas Christlieb et Kijak de leurs critiques. Ils partagent un certain dégoût de l'image digitale et remarquent que le film privilégie le contenu aux dépends du style. Ils ont probablement raison mais le résultat est une réussite.

  Anji Milanovic