Cronicas
Réalisé par Sebastian Cordero
Avec : Alfred Molina, John Leguizamo, Leonor Watling, Henry Layana
Scénario : Sebastian Cordero
Titre Original : Crónicas
Durée : 1:51
Pays : Equateur, Mexique
Année : 2004
Site Officiel : Cronicas
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Qui est le monstre? Les médias, les criminels, les autorités, ou la société tout entière? Cronicas, thriller équatorien à la sauce serial killer tente de répondre à ces questions. Réussite de l'entreprise : peu de scènes sordides visant la surenchère de l'horreur (hormis une victime déterrée), et aucune tentative de conceptualiser la démarche du tueur. Sebastian Cordero évite le piège des enquêtes policières qui, au cours de leur progression, mettent en lumière des détails toujours plus insupportables. D'ailleurs, malgré les apparences, son œuvre échappe à ce genre formaté, grâce à son principal questionnement : le pouvoir des médias.
Manolo, journaliste vedette d'une émission aguicheuse (« Une heure avec la vérité »), se rend à l'enterrement de victimes d'un violeur et tueur d'enfants, toujours en liberté. A la fin de la cérémonie, un enfant meurt renversé par une voiture. La foule en colère entreprend de le lyncher, lorsque Manolo s'interpose, devenant devant les caméras un sauveur. Le chauffard, emprisonné, le supplie de plaider sa cause, via un reportage, contre des informations sur le tueur. Intrigué par la part d'ombre de cet homme apparemment inoffensif, et désireux de démasquer lui-même l'assassin, Manolo accepte.
La violence de Cronicas ne se situe pas dans la barbarie des actes perpétrés par le violeur d'enfants. Hormis cette impressionnante scène de lynchage qui s'ouvre sur un fondu au noir envahi par le silence, pour se poursuivre sur l'immolation du chauffard, le film se concentre essentiellement sur les enjeux qui lient le prisonnier soucieux de sauver sa peau et le journaliste avide de notoriété. Une relation qui met en avant la dualité des personnages. Ici, pas de manichéisme. Le tueur peut faire preuve d'amour comme de cruauté, aimer sa famille tout en massacrant. Le journaliste ambitieux n'est pas forcément ce genre de requins sans scrupules, mais peut montrer de l'hésitation et une certaine prise de conscience concernant les conséquences de ses actes. Entre les deux, un enquêteur (le seul flic honnête d'Amérique latine. Sic), une productrice sexy et complice, et quelques personnages secondaires un peu trop délaissés par l'intrigue, parmi lesquels une épouse aimante et un caméraman.
Si Cordero s'attache à ses deux principaux protagonistes, c'est pour mieux dévoiler leur psychologie complexe, au travers du prisme de la télévision. Celui qui passe aux yeux du monde comme un héros n'est qu'un opportuniste, et l'apparente victime pourrait cacher un monstre. Le suspense sur l'identité du tueur n'a que peu d'importance, dès lors qu'on comprend l'entreprise et l'enjeu du film. Imparfait, Cronicas n'en demeure pas moins un film honnête qui parvient à détourner un genre cinématographique pour affirmer qu'on ne peut se fier à la politique de Saint Thomas. En d'autres termes, tout ce que l'on voit n'est pas forcément la vérité, comme le dit si bien le caméraman : « Tout ce qui se passe hors du cadre de la caméra n'existe pas. »
Moland Fengkov
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