critique de Dark Horse
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Original et surprenant, le deuxième film de Dagur Kári est une réjouissante bouffée d'air, à la croisée de plusieurs styles. Le fil conducteur est une simple histoire d'amour, qui échappe aux écueils de la niaiserie et des tortillements psychologiques par sa liberté de ton. Daniel (Jakob Cedergren) gagne sa vie en taguant sur commande des messages d'amour sur les murs de Copenhague, et pour le reste, se fait entretenir. Son meilleur ami, Papy, (Nicolas Bro) se prépare à devenir arbitre de football. La rencontre de Franc (Tilly Scott Pedersen), la jeune boulangère fantasque dont ils tombent tous deux amoureux, va bouleverser leur existence. Daniel et Papy forment un duo dans la pure tradition comique du contraste de caractères : le fringant et le complexé, l'insouciant et le psycho-rigide, le clown blanc et l'auguste. Gestuelle burlesque, situations insolites et dialogues cocasses se succèdent dans une série de saynettes mâtinées d'une touche de nonsense à la Monty Python. L'esthétique du film, avec ses jeux de correspondances entre motifs visuels (rayures, points, fleurs), ses intérieurs pop, son noir et blanc très contrasté, évoque les années 60. Les cadrages, les décors dessinent un environnement fortement stylisé, une architecture anguleuse et géométrique, où, de l'aveu même du réalisateur, " le corps humain avec ses formes arrondies a du mal à s'adapter ". Comédie sociale, Dark Horse refuse de s'ancrer trop précisément dans une époque donnée, tout comme les personnages s'efforcent de se créer leur propre univers : on peut donc y voir une sorte d'utopie, la défense nostalgique d'un système social en passe d'être révolu - le fameux modèle scandinave - où l'on pouvait vivre en marge sans tomber dans la misère. Mais le charme de Dark Horse , dont le titre original, Voksne Mennesker signifie " Jeunes adultes ", tient beaucoup à la fraîcheur de ses jeunes interprètes cela aussi rappelle le jeune cinéma des sixties. Leurs tribulations sentimentales et professionnelles sont l'occasion de scènes et de répliques très drôles, qu'on ne dévoilera pas ici. L'amour est pour eux le point de départ d'une série de questionnements et de décisions à prendre. Mais au fur et à mesure l'intrigue se complexifie, des personnages secondaires, moins jeunes, viennent en contrepoint, mettre en perspective les choix de vie possibles. Peu à peu le tempo s'apaise, la fantaisie s'estompe, le ton se dramatise. Et finalement Dark Horse révèle sa véritable nature : un film mélancolique sur le deuil de l'insouciance.
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