Avec : Sami Bouajila, Jean-Paul Roussillon, Hippolyte Girardot, Wladimir Yordanoff
Scénario : Emmanuel Bourdieu
Durée : 1:58
Pays : France
Année : 2003
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Arnaud Desplechin revient à la réalisation, en s'attaquant à une nouvelle adaptation. Dans son dernier opus, le plus littéraire des cinéastes français s'attache cette fois-ci à l'ouvrage d'Edward Bond, La Compagnie des Hommes.
Le film fonctionne à un double niveau : il s'agit à la fois d'un documentaire mettant en scène les répétitions avec les comédiens, mais aussi d'une fiction. Desplechin place le spectateur au cœur de l'acte de création, l'invite à assister à la genèse d'une œuvre de fiction. Son film est d'autant plus passionnant qu'au final, le réalisateur signe un documentaire sur lui-même.
Dans le paysage cinématographique français, Desplechin s'impose sans conteste comme un immense directeur d'acteurs, si ce n'est le plus grand. Le film renseigne sur sa méthode de travail si particulière, qui associe notamment les comédiens à la caractérisation des personnages.
Ambitieux, ce long métrage déconcerte en raison de sa structure filmique protéiforme. En effet, le réalisateur fait appel à différents supports filmiques (la DV pour les répétitions, le 35mn pour la partie fiction).
La musique rock, qui intervient constamment en contrepoint, accentue le choc lié à la confrontation de ces divers formats, crée une polyphonie qui confine au brouillage. De sorte que le spectateur hésite un bon bout de temps entre agacement et intérêt documentaire, avant de s'installer définitivement dans le dispositif filmique. Car l'adaptation s'impose par son intensité et la force de son interprétation.
Sami Bouajila incarne un fils dévoré par des sentiments ambivalents à l'égard de son père adoptif (Jean-Pierre Roussillon, extraordinaire !), un puissant homme d'affaires. Le fils intrigue dans l'ombre pour s'octroyer la multinationale, noue des alliances délétères qui finiront par l'anéantir.
Folie, violence, amour, perte d'identité sont autant de thématiques qui emportent le spectateur dans un tourbillon de sentiments contraires.
Desplechin, assisté de nouveau par Emmanuel Bourdieu au scénario, signe une adaptation des plus originales, incluant des éléments de l'œuvre shakespearienne (notamment le personnage d'Ophélie, interprété par Anna Mouglalis). Cette incursion chez Shakespeare, corroborée par la même structure filmique, n'est pas sans rappeler Looking for Richard de Al Pacino, avec lequel le film de Desplechin entretient des correspondances.
A l'évidence, le réalisateur français réalise là son film le plus intime, à la croisée de toute son œuvre (La Sentinelle, Esther Khan).