Le croissant de lune et l'éclipse du générique plantent le décor au firmament de l'Europe de l'Est, entre naufrage communiste et réapparition de la folie slave. Sybilla, quatorze ans, arrive dans un petit village pour y passer des vacances chez sa tante. Belle et libre, elle s'amourache d'un veuf spécialiste des étoiles et de l'anatomie féminine locale. Le bougre résiste mais pas son fils auquel l'effrontée promet cent baisers. Il n'en aura que soixante-treize. Faites le calcul, il en manque vingt-sept et quand on a quinze ans c'est beaucoup. L'arrivée d'un capitaine au long cours français à la recherche de la mer et une projection publique d'Emmanuelle finiront de faire perdre la boussole à tous les villageois.
Nana Dzhordzhadze aime sa Géorgie natale. Elle filme avec grâce les arbres et les esprits tordus, s'attardant sur les plaines et les croupes ondulantes des femmes et le bordel, érigé en constitution dans l'ancien empire soviétique. L'astronome convoité, la femme de l'officier qui s'offre à chacun, le joueur d'accordéon érotomane, le capitaine nostalgique, la vieille ouvrière décorée par Staline, chaque personnage apporte à ce conte initiatique sa part de démence. Mais tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse. En insistant sans relâche sur ce qu'on pourrait appeler l'insolite slave et en s'égarant dans le bavardage que Tchekhov maîtrisait si bien, la réalisatrice contraint son film dans des limites très convenues. L'impression de scènes plaquées est renforcée par la musique de Goran Bregovic qui s'est littéralement auto plagié en pompant les thèmes qu'il avait écrits pour Arizona Dream et Le Temps des Gitans.
Si la direction d'acteur reste très honorable de bout en bout, gardez bien en mémoire les visages des excellents Nino Kukhanidze, Yevgeni Sidikhin et Shalva Iashvili, vous les reverrez certainement bientôt.