Avec : Ziyi Zhang, Andy Lau, Takeshi Kaneshiro, Anita Mui Scénario : Zhang Yimou Titre Original : Shi mian mai fu Durée : 1:53 Pays: China Année : 2004 Site Officiel : Les Poignards volants

Le cinéma de Zhang Yimou peut en irriter plus d'un. Avec sa photographie aux couleurs chatoyantes, et ses combats chorégraphiés comme dans un jeu vidéo, tout dans l'esthétique du Secret des poignards volants sent l'artificiel, à l'instar des odeurs distillées par un spray désodorisant pour toilettes, ou encore des photos de paysages qui illustrent un calendrier chinois. Tout comme Hero, récompensé aux 22e Hong-Kong Film awards pour ses décors, ses costumes, ses effets visuels ou encore sa musique, son film se veut avant tout un divertissement dans la plus pure tradition des wuxia, genre à part entière qui compte parmi ses composantes le personnage du guerrier solitaire et errant, des combats à l'épée, dont la figure imposée de la bataille dans une forêt de bambous, et un récit mêlant des implications politiques.

En 859, l'Empire du Milieu de la dynastie Tang décline, et le gouvernement corrompu peine à lutter contre les groupes de rebelles qui se dressent contre lui. Parmi ceux-ci, la Maison des poignards volants, la plus puissante de tous. Leo et Jin, deux capitaines se voient confier la mission de capturer le chef des rebelles. Pour gagner la confiance de Mei, la fille de l'ancien meneur, Jin se fait passer pour un guerrier solitaire et l'escorte vers le quartier général du groupuscule. Mais l'amour et la mort marchent déjà à leur rencontre.

Si les premières séquences du Secret des poignards volants s'enchaînent sans faire avancer de façon significative une intrigue aux apparences simples, c'est qu'elles ne visent qu'à exprimer tout le savoir-faire artistique de Zhang Yimou, à tous les niveaux : les chorégraphies, aériennes, rivalisent de précision, et offrent au passage l'occasion à l'actrice Zhang Ziyi d'exprimer ses talents de danseuse. A chaque tableau, un nouveau décor, de nouveaux accessoires, une nouvelle palette de couleurs (de préférence éclatantes et chamarrées), de nouveaux costumes. L'occasion à chaque fois de mettre en avant un élément identifiant chaque numéro. Ainsi, à la chanson qu'interprète Mei succède un jeu entre le capitaine Leo et Mei, basé sur l'écho que produisent des pierres lancées sur des percussions placées en cercle autour de la jeune danseuse.

Plus loin, un affrontement entre fugitifs et soldats met en scène des chevaux dans une forêt, avant que l'action se déplace sur un champ, où boucliers, flèches et dagues se partagent la vedette. Du côté de l'intrigue, on n'avance guère : Mei et Jin tombent amoureux, tandis que Leo lance ses troupes à leur poursuite. Cependant, les scènes de combats, segments isolés possédant leur propre autonomie, savent exploiter toutes les options qui leur sont offertes, effets numériques aidant : Jin ne se contente pas de décocher des flèches mortellement précises, il varie ses coups, contournant un bouclier en faisant ricocher son projectile, comme si un adepte de jeu vidéo avait réussi à composer la bonne combinaison de touches sur sa manette pour permettre à son personnage d'exécuter un coup spécial. De même, l'entrée en scène des fameux poignards permet à leurs utilisateurs de décliner toutes les façons de donner la mort. Point d'orgue de ces scènes aux acrobaties millimétrés : la bataille au milieu des pousses de bambous, au sol et dans les airs, d'où tombe une pluie de pieux. La surenchère des prouesses techniques donne au film des allures de vaste cirque, gageant sur le spectaculaire et le sensationnel. Le final centré sur les sentiments des protagonistes, où tous les masques tombent, s'étire cependant en longueur. Agaçant, ou jouissif, Le Secret des poignards volants n'en reste pas moins un film de genre servi par un orfèvre fidèle aux traditions de son pays.

  Moland Fengkov