La bataille dans le Ciel
Réalisé par Carlos Reygadas
Avec : Marcos Hernandez, Anapola Mushkadiz, Berta Ruiz, Brenda Angulo
Scénario : Carlos Reygadas
Titre Original : Batalla en el cielo
Durée : 1:38
Pays : Mexique
Année : 2005
Site Officiel : La bataille dans le Ciel
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Mexico, mégalopole cannibale abritant 20 millions d'âmes. La misère crasse pousse aux plus terribles extrémités des habitants, rongés par la solitude. Voilà planté le décor du nouveau film de Carlos Reygadas, qui fit grande sensation avec Japon. Auréolée d'un parfum de scandale, cette Bataille dans le Ciel faillit, non au plan cinématographique (c'est tout de même très bien fait), mais sur le plan du discours, sorte de salmigondis mystico-religieux, qui ôte à l'entreprise sa force de frappe.
Le début prometteur, toute de violence retenue, augurait un film sec, ramassé. Mais une fellation, en ouverture et fermeture de film, ne saurait faire " œuvre ". Pourtant magistralement filmée, cette séquence audacieuse, se révèle d'une douceur infinie. La caméra va du visage au sexe et du sexe au visage, contourne la copule - ce sexe tendu, offert à la bouche - mais synonyme d'un désir intransitif. Malade d'amour et d'altérite, Marcos, chauffeur de son état, désire secrètement Ana, la fille libérée d'un général dont il est au service. La jeune femme se prostitue pour son plaisir dans une maison close où la conduit régulièrement Marcos. Quand ce dernier avoue à Ana avoir kidnappé, avec sa possessive épouse, un enfant, le lien du secret les unit, consacré par la chair. Reygadas figure l'isolement de son héros avec virtuosité. La séquence dans le métro, où les bruits environnants s'estompent progressivement et que le cadre se resserre sur Marcos, traduisent à merveille sa détresse. Reygadas multiplie les angles à 180 degrés, absorbant l'environnement urbain alentour, glu où se débattent ses personnages miteux.
Malheureusement, Reygadas ne tient pas la durée. A mi-parcours, on a l'impression que son film est fini. Précisément au moment où Marcos se rapproche du ciel à l'occasion d'une promenade en montagne avec sa famille. Noyé dans les nuées, le héros disparaît. La dernière partie, sur fonds de procession religieuse, voit la rédemption de Marcos. Lourdement symbolique, ce segment plombe l'ensemble. Presque grotesque, il oblitère toute la violence sourde du début du film, le tout corroboré par un final fantasmatique où Ana aimerait Marcos. Faut-il compter Carlos Reygadas parmi les hérauts du cinéma mexicain, là où d'autres jeunes réalisateurs comme Amat Escalante et son remarquable Sangre lui dament d'ores et déjà le pion ?
Sandrine Marques
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