critique de La Cité Interdite
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L'infatigable et fringuant enlumineur Zhang Yimou nous revient avec un wu xia pan tout en dorures opulentes, en fastes chichiteux et en costumes aux drapés sidérants de mélancolie. Si les premières séquences semblent hoqueter c'est que le cinéaste, non sans une épique naïveté entreprend la condensation de l'intime et du public, pour ne pas dire l'empilement de la légèreté apaisée et marginale du Secret Des Poignards Volants sur la légende martiale et pharaonique irriguant Hero. Marqué du sceau de la pesanteur - brouet de turpitudes à la profusion écœurante - cette fresque-oxymoron ne va cesser de pétrifier les contraires en un crépusculaire amnios plastique et politique. Ainsi espaces et rites s'enchevêtrent, les lignes droites du pouvoir marbrent les courbures des arabesques pugilistiques et les étoffes amples gainent les corps déliquescents déformés par l'ire ou le venin. La Cité Interdite est surtout l'occasion pour le réalisateur de retrouver et supplicier son ancienne égérie et compagne Gong Li. Car le propos érige un tableau putassier du couple où l'apparat prévaut sur la tendresse et le lent empoisonnement sur l'enrichissement mutuel. Que de fiel de la part d'un tyran glacial - Chow Yun-Fat se muant avec espièglerie en monstre sardonique - pour que son ardente impératrice en vienne à traverser, lèvres pincées, altière et compassée les limbes d'un mausolée complaisant et aphasique. Dans ce rôle digne d'un opéra tragique la comédienne magistrale irradie dans chaque plan, jouant inextricablement de poses défiantes et de regards intenses pour signifier la lutte âpre à l'œuvre : les viscères obsédants de l'humain (fiction libertaire) éconduits par la glose orthodoxe et hébétée de l'étiquette (totalitarisme cacochyme formel). Certes le réalisateur enrubanne avec virtuosité ses joutes picturales où félons et nobles hérauts s'éperonnent dans une fascinante et surannée impassibilité, pourtant insiste une fétide sensation démagogique. Par la rationalisation à outrance de ses choix de mise en scène ainsi que de son découpage Zhang Yimou éradique la fonction essentielle de comburant du récit. Secouer les masses à force d'ostentation et de liturgie se révèle assez vain - la catastrophe Wu Ji affleure - et seules des cloisons ajourées perlent l'espoir d'apercevoir une véracité envolée. Le sacrifice final y trouve sa raison d'être : le monolithe immuable symbole de l'œuvre est à jamais maculé sans que l'outrage puisse être pudiquement dissimulé par l'inertie du long métrage. Revanche subversive et infléchissement d'une trajectoire de malédiction ? L'avenir nous dira si dans le cinéma officiel chinois toute chose demeure fatalement remplaçable.
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