Avec : Catherine Samie
Durée : 1:01
Pays : France
Année : 2002
Basé sur : Roman
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Si Vassili Grossman, auteur russe, avait un jour (il est mort en 1964 dans le chagrin et la solitude, victime de l'anti-sémitisme étatique) imaginé une adaptation du 17e chapitre « la dernière lettre » de son œuvre Vie et Destin sur grand écran, il aurait sans doute apprécié que ce soit le documentariste américain, au regard aiguisé, Frederick Wiseman qui soit en charge de ce projet. Ce dernier n'est pas arrivé à l'adaptation de ce roman par hasard.
Scanner de cette rencontre…
Est-ce d'avoir enseigné le droit à l'Université de Boston, où il emmène ses étudiants assister à des procès criminels et visiter des prisons, qui lui a donné le goût pour la justice. Depuis 1967, il réalise des documentaires et devient l'un des cinéastes majeurs dans son domaine. Ici, il signe sa première fiction. Pourtant, un point commun à toute sa filmographie surgit : sa réflexion sur la violence sous différentes formes (de l'Etat, des délinquants ou de l'Humanité). Il met en scène cette œuvre, à Boston et à Paris, sous forme de pièce de théâtre, il y a quelques années avec Catherine Samie, déjà…
Expliquons tout d'abord ce qu'est ce livre : un monument. Bâti autour de la vie d'une famille de Stalingrad, de la Révolution russe à la bataille de Stalingrad et de façon générale, à travers l'histoire violente et terrible du XXe siècle. Le chapitre « la dernière lettre » surgit au milieu du roman, comme un testament. Une doctoresse juive, Anna Semionovna, enfermée dans le ghetto de Berditchevlà justement où la mère de l'auteur a été tué (seuls 10 ou 15 juifs survivront aux nazis sur 30 000 habitants de la ville)adresse à son fils, Vita, quelques jours avant d'être assassinée par les nazis, sous la forme d'une lettre, le récit de ses derniers jours et du regard qu'elle porte sur cette vie.
Elle s'adresse au public, par la même, en propos indulgent, généreux et fait même preuve d'humour. Elle parle de sa relation avec son fils, de sa vie d'étudiante à Paris, de son mariage raté. Elle décrit la réaction de ses voisins russes à l'arrivée des allemands, celle des juifs, l'Occupation et ses cruautés. Mais aussi, l'aide de russes compatissants, la cupidité et l'indifférence des autres. Elle explique sa lente prise de conscience de son identité : juive avant d'être russe. Elle s'attache à des faits du quotidien. Elle essaie de comprendre les raisons de sa mort imminente. On s'identifie à son courage, son désespoir.
Une des forces de ce film est le très beau et subtil travail sur les ombres et la lumière de ce noir et blanc, réalisé par le chef opérateur Yorgos Avranitis. La qualité de la photo parvient même à conférer du mystère à ce poignant témoignage. En 48 scènes, on aperçoit autant d'aspects différents du visage de la comédienne (ses rides sont si belles…). Les ombres de Catherine Samie contre le mur blanc de ce décor, dépouillé et minimaliste, sont comme des fantômes, des spectres du passé.
Encore vivante, elle n'est pourtant plus que l'ombre d'elle-même... Réquisitoire sans appel…