critique de Les Chansons d'amour
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Mais Christophe Honoré se fourvoie dans un paradoxe. Poussé dans sa dévotion pour la Nouvelle Vague à aligner compulsivement les plans de pure citation, il étouffe toute possibilité de retrouver la moindre étincelle de ses maîtres : la liberté, l'audace, la prise de risque, tout ce que se permettaient en leur temps les jeunes loups issus des Cahiers. Au lieu de ça, il choisit des acteurs au nom chargé d'histoire (Garrel, Mastroianni, Leprince-Ringuet : tellement précieux que les prénoms sont absents du générique) pour jouer de jeunes rentiers installés dans de beaux appartements du quartier Bastille. Ajoutez là-dessus quelques Chansons molles pour plomber définitivement l'esthétique du film (100% bobo) et son rythme. La première partie du film voudrait baigner dans une atmosphère de désinvolture avec Louis Garrel, plutôt mal à l'aise et vraiment mauvaise pioche dans le comique. Ensuite, le marivaudage tournerait au mélodrame. Mais le grand mélodrame c'est autre chose, et notamment un art des situations fortes : ici le désespoir reste poli et le potentiel dramatique et émotionnel des personnages n'est jamais affronté. Pourtant le film est pétri d'intentions : intention de légèreté dans la scène de flirt au bureau où Garrel et Clotilde Hesme semblent ne jamais travailler, intention de poésie dans ce travelling lourd de sens sur Ludivine Sagnier, intention de romantisme dans le point de vue de Chiara Mastroianni, intention de pudeur sans doute… Peut-être gagnera-t-il des galons avec le temps, lorsqu'on y verra un concentré de l'état mortifère d'un certain cinéma français d'auteur au moment de la prise du pouvoir de Nicolas Sarkozy, qui apparaît sur une affiche comme un mauvais clin d'oeil.
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