critique de Les Contes De Terremer
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Non sans ironie Goro Miyazaki, rejeton du pape de l'animation nippone, débute son premier long métrage par une scène rugueuse de parricide - lorsque l'on sait que le scénario intéressa le père ou qu'il se montra réticent à la nomination de son fils ce flash opiniâtre acquiert une toute autre ampleur. Le choc est probant et pourtant le prolongement du récit se fera déceptif notamment par l'accumulation de références fades et infatuées. Tous les remugles estampillés Ghibli sont en effet convoqués, du vague écologisme frelaté à l'onirisme propret en passant par l'affirmation identitaire. Sur ce point le cinéaste avait pourtant du grain à moudre avec les écrits d'Ursula K. Le Guin, sensible lorsqu'il engage la dialectique dualité/altérité en invoquant incarnations diurnes et nocturnes ou en dupliquant les noms. Transpire une sibylline fatalité, un malaise sclérosant symbolisé par la fuite d'Arren à lui-même. De fait l'intégralité de la réalisation - dépressive, suppliciée, languide - se fait occurrence de la confusion en apposant dogmes régressifs de cadres empesés baignant dans un halo de clarté fatiguée et velléités de mouvements alambiqués. Goro Miyazaki excelle d'ailleurs dans ces brusques instants de sauvagerie déconnectés, démonstrations d'une négation obstinée de la chape ambiante. Cette production Ghibli affiche sa somptuosité forte d'une limpidité technique ou d'un vernis monadique et protensif. Néanmoins le film devient le théâtre d'un étrange processus de vampirisation de l'intrigue convenue par sa représentation graphique ; la sabordant, la réprouvant ou l'objurguant à l'envi. Certainement le syndrome d'un réalisateur (spécialiste des décors et paysages) taraudé par la copulation molle et terrifiante de l'exfoliation désertique et de l'effervescence urbaine. Les séquences rythmées par l'architecture y apportent de réelles réponses de mise en scène : les glissements aspirants émergeant entre la linéarité d'angoisses trépanées et l'orbité légère sinon élégiaque du parangon. Seules réelles entorses à la doxa du studio elles nervurent les fondements du cinéma d'Hayao Miyazaki d'une déshérence initiatique, austère et nimbée de fulgurances. Malheureusement ces éléments restent parcellaires, cloîtrés dans les foisonnants arrière-plans et le cinéaste de se raccrocher mordicus à des stéréotypes artificiels qu'il ne parvient pas à malaxer convenablement, se contentant d'aplats peu digestes. Finalement voici une asyndète où n'importe que la réunion du béotien (fils besogneux) et des cieux divins (père censeur) et à l'étonnant ressenti psychanalytique qui aurait mérité d'autres résonnances. L'équilibre précaire périclite sans folie dans un quotidien torturé d'engeance et d'atavisme, loin des onguents apaisants la plaie s'ouvre dans une froide et sourde douleur, glaçant.
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