L'improvisation révèle la véritable nature des gens. Elle met en danger et parfois grandit ceux qui s'y risquent. L'amour obéit aux mêmes règles. Un homme et une femme se regardent et se sourient dans une pharmacie. Ça s'appelle le hasard. Ils se retrouvent à nouveau lors d'une convention professionnelle. Ça commence à ressembler au destin. Elle est visiteuse médicale, il est acteur. Elle est mariée et mère de famille, il ballade ses valises dans toute la France quand il ne les porte pas sous les yeux. Ils vont s'aimer presque immédiatement et se quitter aussi vite. Histoire d'un amour qui arrive trop tôt ou trop tard, qui ne se salit pas et demeure pour la vie une joie et une douleur.

Le troisième film de Philippe Lioret (Tombés du Ciel, Tenue Correcte Exigée) confirme un vrai talent de cinéaste : un traitement épuré, une écriture et une réalisation élégantes participent à la beauté du film qui tourne joliment autour du thème de l'improvisation. Il y a de la tragédie classique dans l'air, quasi unité de lieu et de temps et surtout unité d'action : la passion naissante. Ça sent aussi Sautet, l'observation des personnages dans leur milieu et l'amour infini des acteurs. Il faut dire que Lioret a décroché le gros lot : une merveilleuse Sandrine Bonnaire, la trentaine rafraîchissante et le sourire toujours aussi ravageur, un Jacques Gamblin qui se dutronise à vu d'œil et deux seconds rôles particulièrement savoureux (Zinedine Soualem et Isabelle Candelier).

Des cheminées d'usines qu'on prend pour des phares bretons, des chambres d'hôtel de province qui se transforment en suites nuptiales, des jeunes bourgeoises qui deviennent saltimbanques le temps d'un mariage, la cristallisation du sentiment amoureux est ici observée avec une minutie et une finesse rares. Il n'y aura pas de petit déjeuner pour Claire et Pierre mais une belle histoire d'amour qui s'écrira dans le souvenir.

  Corinne Le Dour