L'oiseau d'argile
Réalisé par Tareque Masud
Avec : Nurul Islam Bablu, Russel Farazi, Jayanto Chattopadhyay, Rokeya Prachy
Durée : 1:34
Pays : France/ Bangladesh
Année : 2001
|
|
Fin des années 60. Le jeune Anu, âgé d'une dizaine d'années, vit paisiblement avec ses parents et son oncle dans la campagne du Bangladesh. Son père Kazi est un musulman très pratiquant, intégriste, un barbu portant la chéchia. Il trouve la vie d'Anu malsaine, influencée par les traditions hindoues, et pour l'éloigner des ces mauvaises influences, l'envoie dans une madrasa, une école coranique. La vie y est très austère, la plupart des jeux sont interdits. Anu y rencontre un enfant solitaire et rêveur, Rokon, qui se heurte à l'intolérance des professeurs. Au village, alors que l'armée pakistanaise approche et menace le bonheur des habitants, la sœur d'Anu, Asma, tombe malade. Kazi, qui est médecin, pense qu'il peut la guérir grâce à la seule homéopathie. Il refuse donc les antibiotiques que son frère a achetés et s'en remet plutôt à Allah pour guérir sa fille.
Le film s'ouvre sur un carton rappelant brièvement les conditions historiques de la création du Bangladesh, ce grand pays méconnu des occidentaux, qui fit partie naguère de l'Inde, avant d'en être séparé et de devenir l'état du Pakistan-Oriental en 1947, sous autorité pakistanaise. Divers facteurs politiques ont conduit à l'indépendance du Bangladesh en 1971.
Le film est une réussite, d'abord par la qualité de son scénario, qui provient surtout de la consistance des personnages, écrits avec justesse et subtilité.
D'un côté, on trouve les protagonistes actifs du drame, ceux qui sont mus par une idéologie. Ainsi, le père, Kazi, qui paraît d'abord simplement intolérant, se révèle surtout lâche au fur et à mesure qu'il perd ses illusions. L'oncle, quant à lui, attend l'heure de se dresser contre la dictature pakistanaise.
De l'autre, les acteurs passifs, qui ne demandent qu'à vivre en paix. Ce sont la mère, un peu soumise, qui désapprouve son mari en silence, jusqu'à ce qu'elle doive prendre en main le restant de la famille, puisque Kazi s'effondre, prostré. Et les enfants, Anu en particulier, qui voudrait vivre une enfance paisible, à l'écart de l'intégrisme et de la politique. Les mollahs et l'armée pakistanaise en décideront autrement.
Tous ces personnages se confrontent, se télescopent, et leurs contours se précisent avec une étonnante vraisemblance minute après minute au contact les uns des autres. Le plus frappant, c'est que tous vivent dans des mondes différents et indépendants, qui ne peuvent se comprendre et se rencontrer, d'où la naissance du drame.
Les acteurs sont tous excellents, en particulier Anu et son petit camarade solitaire Rokon.
Le film est entrecoupé de quelques bahas, sorte de pansoris bengalis, des chants improvisés et très beaux, qui ici et là expriment les opinions de leurs chanteurs, qui critiquent les mollahs, accusés d'arrogance et de machisme.
Hymne à la tolérance, le film pourrait parfois sembler anti-musulman si le personnage d'Ibrahim, un professeur plus modéré, ne présentait une alternative à l'islam intransigeant des mollahs. Alors que ceux-ci n'excluent pas la djihad en cas de besoin, il rappelle avec sagesse que l'islam ne s'est pas répandu par la force au Bangladesh, mais s'est doucement propagé grâce à ses valeurs intrinsèques. C'est donc bien le fanatisme et l'aveuglement qui s'ensuit qui sont sévèrement critiqués.
Ainsi, si l'action se déroule il y a plus de trente ans, le film prend des accents très contemporains face à la montée d'un certain type de fondamentalisme religieux dans des pays islamiques.
A ne pas manquer.
Laurent Ziliani
|