critique de Meurtrières
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Meurtrières suit l'errance de Nina et de Lizzy, pas vraiment au ban de la société, juste un peu paumées, juste un brin larguées (dans le sens où le monde ne les comprend pas, et vice versa), portant en elles la douleur ordinaire (l'ennui pour l'une, le deuil pour l'autre) qu'elles combattent en vivant l'instant présent, entre enthousiasme hystérique et déprime apathique. Sorte de Thelma et Louise à la française, le film est un road movie circulaire : le parcours des deux amies de fortune (elles se rencontrent dans un hôpital psychiatrique) se termine là où il a commencé. Cette structure insiste ainsi sur la fatalité de leur geste, comme pour mieux signifier que la société leur a bouché toutes les voies, toutes les sorties, qu'elle les a laissées se cogner aux murs, se heurter aux frontières invisibles. En d'autres termes, qu'elle les a étouffées. Le montage, tout en ruptures, ne permet pas aux scènes de s'installer dans la durée, comme dans la séquence du concert de rock et de son after, plein de spontanéité, qui impose son rythme rapide, à l'image du monde moderne : pas de place pour les retardataires ou ceux qui ne parviennent pas à suivre. Comme pour mieux appuyer sa démonstration (car dans Meurtrières, on est dans la démonstration, un peu trop sans doute), le scénario multiplie les rencontres qui placent les hommes au rang des enflures : égoïstes, insensibles, traîtres, lubriques, voire obsédés sexuels, violents, etc. Sauf les routiers, - parce que les routiers sont sympas -, les meurtris (ce marchand de fripes quitté par sa femme) et les internés, dans une séquence à l'asile beaucoup plus faible, où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Paradoxalement, l'un des seuls personnages croisés qui se révèle amical est un jeune voyageur, libre sur sa jonque. Un peu poussif dans sa volonté d'expliquer le geste irréparable que commettent les deux protagonistes, sans pour autant chercher à émettre un jugement, laissant ce soin au spectateur, le film n'en demeure pas moins réussi, surtout grâce à la prestation des deux comédiennes, Hande Kodja et Céline Sallette, tour à tour fragiles, énergiques, innocentes et inquiétantes, mais jamais antipathiques. Son parti pris plombe en revanche un peu l'histoire, là où Grandperret aurait pu en faire une ode funèbre à la liberté. Restent une sacrée vivacité dans la mise en scène et l'interprétation.
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