Avec : Brad Pitt, Angelina Jolie, Vince Vaughn
Scénario : Simon Kinberg
Titre Original : Mr. & Mrs. Smith
Durée : 2:20
Pays : USA
Année : 2005
Site Officiel : Mr. & Mrs. Smith
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Les Smith se sont rencontrés alors qu'ils s'adonnaient à l'insolite activité de tueurs à gages. Prônant des méthodes antagonistes - extrême minutie contre instinct débonnaire - ils exécutent avec une équivalente virtuosité les contrats assignés par leurs agences respectives. Néanmoins un mensonge lancinant mine le couple, chacun des deux ignore la véritable besogne de son conjoint. Ceci les pousse en thérapie matrimoniale jusqu'à ce qu'ils soient placés en compétition pour occire un témoin. Ayant tous deux échoué à cause de l'autre, survient un cruel dilemme : soit s'éliminer entre époux soit fuir ensemble pour une cavale au dénouement inéluctable.
Derrière l'exposition entraînante du film se profile un script ambitieux sur la caténaire du couple contemporain, à savoir la lassitude inhérente au mariage et ses rixes connexes. Une dramaturgie qui s'enlise progressivement pour s'étioler dans la dernière demi-heure. Là où La Guerre Des Rose sondait avec une conviction mordante une querelle domestique inendiguable sans renier un pouce de terrain à son effroyable conclusion le réalisateur de La Mémoire Dans La Peau succombe à une morne caricature, outrancièrement pyrotechnique. Mais Danny DeVito se préoccupait de ses personnages et de son récit tandis que Doug Liman se focalise, de manière antithétique, sur la seule conception de l'espace cinématographique.
Cinéaste des intérieurs, il brosse avec fluidité, frénésie et précision les portions spatiales englobant les protagonistes. Nous pourrions certes y déceler une astucieuse mise en abîme du foyer comme lieu d'hostilité feutré pourtant l'enjeu réside essentiellement dans la retranscription de l'insidieux processus réprimant les individus claquemurés. Dissidents du plan Angelina Jolie et Brad Pitt sont ainsi inopérants, en ce sens qu'ils n'incarnent jamais leurs rôles. Ils sont réduits au statut d'icônes glamour disproportionnées incapables de s'adapter aux dimensions du théâtre imposé. Et les volumes de s'amenuiser passant d'un opulent building à une ample demeure, puis d'une voiture à une masure de jardin ou à une anfractuosité du bitume. Ce rétrécissement est symptomatique d'une intimité déclinante où l'autre est perçu comme une menace. Aucun hasard donc à ce que ces cloisons soient toujours au bord de l'explosion, striées de fissures.
Pour endiguer le ramollissement de son flux d'images la mise en scène s'arroge cette déconstruction ce qui, outre engendrer une mutation dans la manière de représenter l'actrice principale - sans s'appesantir sur ses formes -, conduit à faire voler en éclat le quatrième mur et à établir un lien privilégié entre spectateur et matière - les constituants du film s'adressant frontalement au public. Les balbutiements de comédie romantique sont vaporisés dans une violence inhabituelle - et désaffectée - des rapports hommes-femmes. Le déséquilibre contenant-contenu est ainsi consommé, trop narcissique pour insuffler un quelconque marivaudage - exceptée la séquence du restaurant où pointent séduction et malice - le ménage Smith apparaît d'emblée comme trépané. Voici le désir et le sentiment amoureux réduits au simple contact (caresse ou uppercut) ou quand l'orgasme se transmue distinctement en brutalité masculine et déflagration féminine. Malgré l'opacité des dernières scènes, une clarté vulgaire nous cueille au-delà de la pantomime, à l'aune de laquelle ne persiste que la mécanique du coït et la pugnacité avec laquelle chacun n'y défend plus que son territoire.