Avec : Benoît Poelvoorde, Jean-Paul Rouve, Julie Depardieu, Dominique Besnehard Scénario : Dominique Besnehard Durée : 1:35 Pays : France Année : 2003

Cette année-là, la France pleurait la disparition de Claude François, icône disco disparue prématurément. C'était hier, mais aujourd'hui rien n'a changé pour Bernard Frédéric (Benoît Poelvoorde), banquier étriqué par défaut, mais truculent sosie de Cloclo par essence.

Yann Moix adapte librement son roman culte, avec énergie et inspiration, explorant les zones souterraines qui poussent un individu à endosser le costume (à paillettes) d'un autre. Pour autant, Podium (du nom de la revue rachetée par Claude François en 1972) balaye assez rapidement l'explication psychologisante, comme en témoigne la séquence chez le psychiatre, interprété par Dominique Besnehard.

Moix s'attache davantage à décrire une obsession dévorante qui contamine tout, du social à l'intime, plutôt qu'une schizophrénie. Ce faisant, il analyse assez finement les comportements à l'œuvre chez l'idolâtre. Le fétichisme prévaut. Bernard Frédéric achète à prix d'or un téléphone ringard, accessoire qui ne fait sens que chez le fan le plus transi. Ici, l'émotion ressentie par le personnage est une plus-value d'authentification sur l'origine de l'objet. De même, le sous-sol aménagé avec soin par Frédéric s'apparente à un musée approximatif : des mannequins incarnent les Claudette, le mobilier kitsch et coloré vise à reconstituer une époque révolue.

Dans Podium, l'artefact prime. C'est là la grande trouvaille du film. Bernard Frédéric vit avec sa famille dans une maison témoin, ouverte aux visiteurs. En somme, le héros évolue dans un décor où l'impersonnel prime. Même la famille semble « témoin », tant la passion de Bernard Frédéric vampirise la sphère de l'intime, la détruit. Qu'est-ce donc que Podium si ce n'est l'histoire d'un type ordinaire qu veut vivre une vie extraordinaire et qui se heurte à un principe de réalité pesant ? L'épouse brimée (adorable Julie Depardieu) en fait les frais. C'est pour elle que le héros jette aux placards ses perruques peroxydées et ses boutons de manchettes…pour mieux les ressortir quelques années plus tard et entamer une tournée triomphale (c'est-à-dire sur les parking de supermarchés), avant un concours télévisé orchestré par une Evelyne Thomas, employée dans son propre rôle (on laisse le lecteur libre de son commentaire).

Chez Moix, le « faire voir » est à l'articulation du « faire croire », phénomène par ailleurs des plus prégnants dans le « métier » de sosie. En cela, l'univers visuel du film est en totale adéquation avec son propos.

Moix s'appuie sur l'abattage et la présence de Benoît Poelvoorde pour qui le rôle a été écrit sur mesure. L'acteur insuffle au film son énergie, s'appropriant des répliques d'ores et déjà cultes, avec une truculence redoutable. L'acteur belge campe avec aplomb ce personnage odieux et immoral, tout entier absorbé par sa manie. C'est pourquoi, le revirement final déçoit. En toute logique, le personnage aurait du vivre sa passion jusqu'au bout. La célébration de l'amour conjugal sonne faux. D'ailleurs, dans le roman de Moix, Bernard Frédéric meurt. Il n'empêche que le film remplit pleinement sa mission de divertissement qui « se chante et se danse comme une chanson populaire » !

  Sandrine Marques