Pork and Milk movie review DVD critique de Pork and Milk



 

 



Pork and Milk review

Pork and Milk

:. Réalisateur : Valérie Mréjen
:. Scénario : Valérie Mréjen
:. Titre Original : Pork and Milk
:. Durée : 0:52
:. Année : 2006
:. Pays : France


Quelques lignes sur fond noir suffisent à introduire Pork and Milk, le film tourné par Valérie Mréjen en Israël sur la question de la religion et de la laïcité, et du (des) passage(s) de l'un à l'autre (non-univoques).

Quelques lignes qui, une fois résumés brièvement les devoirs et interdictions de juifs pratiquants durant le Shabbat, serviront à la fois de fil conducteur aux divers récits offerts, mais aussi de rappel à l'ordre tout au long des 52 (courtes) minutes de ce "documentaire". On y apprend sobrement qu'entrer en religion se traduit littéralement en hébreu par " aller vers la réponse ", et qu'en sortir se traduit par " aller vers la question ".

Surprenant constat que, dans le premier cas de figure, la religion représente un mouvement de soi vers une sagesse imposée, une parole donnée par l'autre (le père, le maître, le rabbin, Dieu) qui viendrait s'opposer, dans le second cas, à une démarche volontariste de compréhension, de recherche et d'introspection.

Valérie Mréjen n'est pas seulement une vidéaste, elle est un écrivain concis, précis, dont la froideur formelle des textes côtoie systématiquement une incursion viscérale dans l'intime : phrases courtes à l'humour blanc, entre cynisme subtil et provocation personnelle, l'artiste ne bouscule pas tant le spectateur/lecteur que ses propres certitudes, son identité.

Dans Pork and Milk, c'est à travers les témoignages étrangement fixes de cinq hommes et de deux femmes que la question du " mouvement vers " est proposée. La caméra subjective, toujours immobile, prend en joue l'interlocuteur à la manière des confessionnaux de la real TV. Le cadre est immuable pendant la livraison - ce n'est que dans l'activité que les protagonistes du film retrouvent un semblant de vie - les couleurs, tranchées, lumineuses, épinglent la parole comme les papillons d'un entomologiste ou les feuilles séchées d'un herbier (la collection chère aux artistes contemporains dont Valérie Mréjen se réclame).

Car la confession n'est pas ici dénuée de culpabilité, et c'est bien tout le paradoxe du film. Alors que l'on s'attendait à l'annonce d'une victoire sur soi-même, aucune des histoires dites n'est ressentie comme libératrice, ni entendue comme une révélation. Si pour chacun des héros (au sens premier de ceux qui se sont distingués par une action exceptionnelle, un courage hors du commun), l'orthodoxie était clairement un leurre, la voie de la liberté n'apporte aucune réponse, rejoignant donc la phrase introductive (c'est le rôle de la religion de répondre à la question). Elle n'est pas synonyme de bien-être, au mieux permettra-t-elle d'appréhender l'autre dans toutes ses contradictions laïques et de tenter de construire une nouvelle identité qui, au lieu de se passer de l'une en faveur de l'autre, s'attacherait à réconcilier les deux.

Le corps, central dans l'œuvre de Mréjen, comme il est centré dans son image, ne s'épanouit ni dans l'acte, ni dans la parole. Preuves en sont les mains qui se croisent, se musellent, s'empêchent, ou les hésitations d'un jeune cuisinier, ses échappées du regard sur le fond rouge, accusateur, de son restaurant.

Quel que soit son niveau d'étude ou de réflexion, le héros n'impose jamais son acte : il le traverse la tête basse, à l'image de ce couple filmé dans l'ombre, marié par la tradition, qui se découvre partageant l'un l'autre des opinions laïques identiques après plusieurs mois d'union mais qui étouffe le secret de sa liberté au regard de la caméra dans une étreinte ramassée, claustrophobe. Le héros est marqué quand il pensait échapper (la sportive dans l'armée; le père de famille à Brooklyn). Il s'interroge, va vers la question, confirme la Torah.

Présence muette, initiatrice de l'expression, producteur de mots, l'auteur couche le texte des autres sur la pellicule, elle le livre brut à l'œil de la caméra et du spectateur, ne prend pas position.

Elle écoute, enregistre. Sa mise en scène aplanit les reliefs, comme les rares images extérieures ne fournissent aucun repère, aucune épaule. Valérie Mréjen, artiste-miroir, se définit dans les silences, dans les lacunes, dans les absences de l'identité.


  Laurent Herrou


    


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