critique de Red Road
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La première partie du film laisse augurer un thriller qui aurait pour objet un dispositif de surveillance, à la manière de Caché de Michael Haneke. Il n'en est rien. Avec acuité et sensibilité, le long métrage glisse progressivement dans l'étude de relations interpersonnelles ambiguës, s'engouffre dans les béances pour y chercher un secret, esquissé par touches impressionnistes et qui se donne dans un final bouleversant. Qu'est-ce qui lie la jeune femme à cet ex-taulard rustre qui zone avec ses potes d'infortune dans les bars lépreux, au pied des tours froides, balayées par le vent ? Quelle tragédie réunit ces personnages socialement opposés, lesquels n'auraient jamais du se rencontrer ? Andrea Arnold ne cède pas aux facilités d'une mise en scène explicative. Pas de recours aux flashes back : le drame se joue au présent, comme une douleur lancinante. Récit d'un deuil impossible, Red Road porte dans tous ses plans très physiques, la souffrance des héros ravagés. Jackie a perdu sa petite fille et son mari dans des circonstances obscures. Elle prend en filature leur meurtrier, le séduit, découvre un plaisir violent et paradoxal dans ses bras, tente de le perdre, avant de se réconcilier avec un présent jusqu'alors sclérosé. Le film vaut entièrement pour la relation trouble qui se noue entre les deux héros blessés, et le territoire dépressif qui sert de décor à un récit de reconstruction pas très original, mais bien emmené.
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