Avec : Salvador Allende, documentaire, Chili, Parti Socialiste Chilien Scénario : Patricio Guzman Titre Original : Salvador Allende Durée : 1:40 Pays : Chili Année : 2004 Site Officiel : Salvador Allende

L'œuvre de Patricio Guzman est intimement liée à l'Histoire de son pays, le Chili. On se souvient notamment de sa trilogie La Bataille du Chili (entre 1973 et 1979), et Le Cas Pinochet (2001). Salvador Allende, dont la date de la mort fait cruellement écho aux attentats du World Trade Center, et dont personne n'a, à ce jour, signé une biographie digne de ce nom, a marqué toute la vie du réalisateur. Avec ce documentaire éponyme, il rend hommage au fondateur du Parti Socialiste chilien qui croyait à la révolution sans la prise des armes, à la démocratie, en l'être humain : un idéaliste qui paya cher ses rêves, un certain 11 septembre 1973.

Que reste-t-il de lui ? Les ruines d'une monture de lunettes, un portefeuille, contenant notamment sa carte du parti. Matériellement, pas grand-chose, mais son nom demeure dans les cœurs et les mémoires. D'ailleurs, le film de Guzman s'ouvre sur les reliques, souvenir palpables de ce héros national, pour se refermer sur une image plus abstraite, plus profonde, imprimée dans la mémoire collective, représentée par un poème. Le passé reste enfoui sous la peinture blanche des murs, les mémoires vibrent à fleur de peau. En les grattant, on retrouve celles, plus colorées, qu'utilisaient les « brigades muralistes », chargées de peindre dans la rue les messages d'espoir.

Le film déroule chronologiquement la vie du président, de son enfance à sa mort, en passant par ses campagnes menées en allant à la rencontre du peuple et son investiture à la présidence, en 1970. Guzman utilise documents d'archives, albums photos, et témoignages, dont celui de l'ambassadeur des Etats-Unis en poste à l'époque, porte-parole des décisions politiques de Richard Nixon, qui joua un rôle déterminant dans le putsch de 1973 qui devait placer à la tête du pays le général Pinochet pour des années de terreur. Les derniers témoignages sont livrés par d'anciens militants, éloquents après le silence des voisins directs de la maison du président, refusant d'ouvrir leur porte à la caméra. Le documentaire de Guzman s'inscrit dans l'actualité du début du 21e siècle, et pose des questions ouvertes sur la voie qu'aurait pris le Chili si Allende avait encouragé la prise des armes. Document essentiel au travail de mémoire, résumé par les paroles du réalisateur lui-même : « un pays sans documentaire, c'est comme une famille sans photo. Une mémoire vide. »

  Moland Fengkov