Printemps, Ete, Automne, Hiver et Printemps
Réalisé par Kim Ki Duk
Avec : Oh Young-su, Kim Ki-duk, Young-Min Kim, Seo Jae-Kyung
Scénario : Kim Ki Duk
Titre Original : Bom, yeorum, gaeul, gyeowool, geurigo, bom
Durée : 1:43
Pays: Corée du Sud
Année : 2004
Site Officiel : Printemps, Ete, Automne, Hiver et Printemps
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Un lac perdu dans une vallée reculée. Un temple se dresse à la surface des eaux étales. Dans ce lieu exempt de toute faute vivent, en ascètes, un moine et son jeune disciple. Les saisons s'écoulent. Elles épousent symboliquement les différentes étapes de la vie des deux héros. Le printemps correspond à la prime jeunesse, à l'initiation au bien et au mal, au façonnement d'une conscience pure, éloignée de toute turpitude. L'observation attentive de la nature et de ses phénomènes éveille le garçonnet aux valeurs morales, lui ouvre les portes de la connaissance. Le franchissement de la porte, rituel qui prend place dès le premier plan, figure ce passage. Les lourds battants stylisés s'ouvrent, le regard s'engouffre par cette béance. Le spectateur accède à la fiction comme le disciple à la connaissance.
Le film est travaillé en creux par le temps. Les saisons, signalées par de sobres cartons, se succèdent. Un cycle éternel s'enclenche : début, fin et renouveau.
Après la radicalité de L'Ile, Kim Ki Duk, qui compte parmi les cinéastes coréens les plus réputés de sa génération (en cinq ans d'une carrière fulgurante !), s'attache à une chronique minimaliste, délicate et sensuelle. Avec finesse et humour, le réalisateur se fait l'écho du bruissement continu de la vie et de la mort. Des rituels immuables rythment la simple existence menée par le Maître et l'élève, dont la quiétude n'est pas troublée par les turbulences du monde extérieur. C'est précisément l'intrusion d'un élément étranger qui va altérer cet équilibre. Une jeune fille de la ville vient soigner son âme malade. L'été attise les passions, exacerbe les sens. Le jeune moine bouillonne de désir. Kim Ki Duk réalise des séquences d'une sensualité à couper le souffle. Le poisson donné en guise d'offrande scelle l'union charnelle des jeunes gens. L'automne, en revanche, stigmatise la perte de l'être aimé. La prophétie du Maître, qui prône l'ataraxie, s'accomplit : la passion engendre la folie meurtrière. Le vieux moine apaise l'âme d'un assassin, grâce à un sutra gravé sur le sol. Saison des désillusions et du désenchantement, l'automne préfigure l'hiver chargé d'une aura mortifère. Ce segment hivernal, sans conteste le plus beau du film, voit l'implication personnelle du réalisateur. Il incarne le moine, devenu adulte, qui succède au Maître défunt. Tout en intériorité, visuellement magnifiques, ces séquences contemplatives sont tournées vers la maîtrise du corps et de l'esprit, condition sine qua non pour atteindre à la catharsis. La venue d'une femme voilée, accompagnée de son nourrisson, amorce un nouveau cycle. L'enfant est confié aux bons soins du jeune moine. La boucle est bouclée.
Kim Ki Duk, venu des arts plastiques, compose des cadres d'une grande picturalité, assisté par son directeur de la photographie, le talentueux Baek Dong-Hyun. Cette recherche esthétique ne nuit en rien à la portée de son message universel. Film étonnant, aux antipodes des œuvres antérieures parfois extrêmes, Printemps (..) reprend néanmoins des motifs chers à Kim Ki Duk : la femme, comme principe de vie et de mort, le débordement des passions, la corruption de l'âme. L'arrivée sur nos écrans des précédents films de Kim Ki Duk permettra de prendre pleinement la mesure d'une œuvre résolument tournée vers l'humain.
Sandrine Marques
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