Tehilim critique de Tehilim



 

 



critique de Tehilim

Tehilim

:. Réalisateur : Raphaël Nadjari
:. Acteurs : Michael Moshonov, Limor Goldstein
:. Scénario : Raphaël Nadjari
:. Durée : 1:36
:. Année : 2007
:. Pays : France - Israël
:. Site Officiel : Tehilim


Taraudés par la perte et l'impossibilité du deuil, les films de Raphaël Nadjari mettent régulièrement en scène des communautés éprouvées. Après avoir prêté allégeance à son cinéaste de référence John Cassavettes, dans le cadre d'une trilogie new-yorkaise très remarquée (The Shade, I'am Josh Polonski's Brother, Appartement 5C), le réalisateur s'en est allé explorer d'autres territoires. En 2003, il plante sa caméra à Tel-Aviv où il réalise, avec l'économie de moyens qui caractérise son cinéma minimaliste, Avanim, portrait d'une Israélienne qui s'émancipe après la mort de son amant. S'articulant autour d'une dialectique tendue (modernité contre ultra orthodoxie), ce film porte déjà en germe Tehilim, un drame intimiste travaillé en creux par la disparition. Les " Tehilim " du titre désignent une pièce majeure de la liturgie judaïque. Ces psaumes, attribués au Roi David, accompagnent chaque jour les Juifs dans leur existence.

C'est précisément dans ce quotidien que Nadjari ancre son récit. Après un accident de voiture, un chef de famille disparaît, abandonnant ses deux jeunes fils sur le lieu du drame. Que lui est-il arrivé ? Est-il toujours en vie ? Autant d'interrogations laissées sans réponse et qui vont bouleverser une famille fragile. La mère tente de faire face aux aléas matériels, épaulée par un oncle ambigu et un grand-père religieux qui se consacre à l'étude de la Torah. Du côté de la modernité, elle écarte finalement ces parents sur-présents. Au centre du récit et de tous les enjeux, les deux jeunes frères finissent par se rapprocher, sous l'impulsion du cadet. Malgré sa jeune expérience, l'enfant comprend que le salut n'est pas dans la division. Nadjari croit aux réconciliations : c'est la beauté et la force de son œuvre. Et peut-être aussi la clé de l'énigme qu'il laisse entière. Chaque personnage tente à son niveau et dans la mesure de ses moyens de faire revenir le père disparu, en s'investissant dans un projet positif.

Comme chez Antonioni (L'Aventura), autre référence majeure à laquelle on songe immanquablement, il s'agit pour les personnages de combler un vide. Le disparu marque de sa présence invisible le plan. Quand il n'est pas entre les personnages, il occupe le hors champ et les consciences, obstinément. Les héros de Nadjari sont toujours dépositaires d'un lourd secret que les fictions effleurent sans jamais l'éventer. Ce mystère s'invite à la table d'un quotidien beaucoup moins lisse qu'il n'y paraît.

Attentif aux énergies qui parcourent les lieux comme les habitants, le réalisateur capte les mouvements souterrains qui agitent des communautés. A sa manière viscérale, sa caméra investit un quartier " intermédiaire " de Jérusalem, entre modernité et tradition. Là encore, le territoire exprime et appelle la réconciliation. Nadjari travaille une sorte de géographie intime par où se révèle l'essence des êtres et des choses. Ses interprètes sont magistraux. Mention spéciale aux jeunes garçons, tous deux comédiens débutants, formidables de justesse et d'émotion et qui confèrent à cette histoire singulière, sa portée universelle. Tehilim est un mouvement de vie.


  Sandrine Marques


    


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