Avec : Kirsten Dunst, Edward Herrmann, Eddie Izzard, Joanna Lumley
Durée : 1:50
Pays : Canada/Allemagne
Année : 2002
Web : Site Officiel
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On peut interpréter une légende hollywoodienne de bien des façons. Peter Bogdanovich s'attarde ici sur un meurtre et sa dissimulation qui ont ou n'ont peut-être pas eu lieu sur l'Oneida, le yacht de William Randolph Hearst, dans les folles années '20.
Le postulat de départ du film est que le producteur de cinéma Thomas H. Ince (Cary Elwes) aurait été tué accidentellement par Hearst (Edward Herman) qui, dans une crise de jalousie concernant sa maîtresse Marion Davies (Kirsten Dunst), croyait viser Charlie Chaplin (Eddie Izzard), avec qui il soupçonnait Davies d'avoir une relation. Il n'y eut pas vraiment d'enquête sur cette mort, et l'on reporta que bien qu'il se sentit mal sur le bateau, Ince ne mourut que plusieurs semaines plus tard à son domicile. Puisqu'il fut ensuite incinéré, il fut impossible de se pencher plus précisément sur les circonstances mystérieuses de sa mort. Même si le fait que Hearst ait eu les moyens d'étouffer cette histoire reste plausible dans la version de Bogdanovich, il ne faut pas oublier que les publicitaires d'aujourd'hui ont également les moyens de flairer un bon coup. Quoi qu'il en soit cette intrigue a de quoi faire un bon film.
Comme Altman dans Gosford Park, Bogdanovich nous présente un monde où les gens essaient d'exposer leurs forces, de cacher leurs faiblesses dans une bulle composée de beaucoup d'alcool, de Charleston, de drague et de sexe. Apparemment, Hollywood n'a pas trop changé depuis 70 ans. Le week-end sur le yacht est vécu principalement via le regard de l'écrivain britannique Elinor Glyn (Joanna Lumley), qui sait quand l'ouvrir et quand la fermer. Critique de cinéma et journaliste à scandales, Louella Parsons (Jennifer Tilly) est l'exacte opposée, vulgaire, gauche, mais inflexible. Alors que Parsons tente de bien se faire voir par tous, Glyn observe avec attention les aventures entre magnats et producteurs mariés et leurs actrices-maîtresses durant ces nuits de jazz et d'alcool sur un fond de prohibition. Chaplin poursuit Davies d'une chambre à l'autre alors que le paranoïaque Hearst épie tout un chacun. En fait, Hearst a volontairemant invité Chaplin sur le Yacht afin de pouvoir l'observer avec Marion.
Il est intéressant de constater que dans son autobiographie, Chaplin balaie les rumeurs de mort gênante et nie avoir été à bord du yacht lors de la mort de Thomas H. Ince. Voici ce qu'il écrit: "De vilaines rumeurs ont commencé à circuler, selon lesquelles Ince avait été abattu et Hearst était impliqué. Ces rumeurs sont complètement fausses. Je le sais car Hearst, Marion et moi-même sommes allé rendre visite à Ince chez lui deux semaines avant sa mort; il était très content de nous voir et pensait être bientôt rétabli." Hum... Dans la version de Chaplin, lui-même, Hearst et Davies semblaient être les meilleurs amis du monde.
Le jeu des acteurs est plutôt bon. Dunst laisse transparaître une gaieté qui définit bien l'époque, mais ne montre pas de véritable complicité avec Herman, qui incarne un Hearst complètement fou, un peu comme un bébé belliqueux avec une arme. Dunst et Izzard se livrent à un jeu du chat et de la souris délicieusement coquin et Izzard est particulièrement savoureux en coureur de jupons. Quant au malheureux Ince, Cary Elwes lui prête son excellence habituelle, à laquelle nous aimerions avoir plus souvent droit, en tant que spectateurs. Jennifer Tilly est hilarante dans le rôle de la fille qui n'est pas la bienvenue dans une soirée mais s'y incruste comme si de rien n'était.
Le film de Bogdanovich vogue sur les eaux troubles d'une période grivoise dont les excès retentissent toujours aujourd'hui.