Avec Sam Raimi à la réalisation et Billy Bob Thornton au scénario, on ne pouvait que s'attendre à un film étrange et lugubre.

Le dernier thriller de Raimi substitue aux neiges du nord et au regard glacial de Bridget Fonda le sud et la chaleur humaine indéniable de Cate Blanchett dans ce récit gothique.

L'actrice incarne Annie, une cartomancienne qui sert aussi de psychologue. Veuve depuis peu (et se reprochant toujours de ne pas avoir pu averti son mari du danger qu'il encourrait), elle joint les deux bouts en lisant les cartes et en servant de conseil à des clients peu aisés, en particulier à une femme battue (Hillary Swank sous l'emprise d'un mari violent joué par Keanu Reeves) et à un homme troublé (Giovanni Ribisi). Appelée à l'aide pour élucider la disparition de la fille d'un notable (Katie Holmes), elle doit rapidement faire face à l'hostilité des citadins parés pour une chasse aux sorcières.

Le titre du film, "Le Don", est évidemment ironique. Comme Annie l'explique lors de son témoignage au procès, elle est en fait la proie à de visions macabres. D'un autre côté, sa connection avec des visiteurs de l'au-delà comme sa grand-mère, lui apporte un soutien bienvenu.

Le film bénéficie d'une distribution solide. Cate Blanchett montre une autre facette de son talent, apportant profondeur et émotion à son personnage. Keanu Reeves, presque méconnaissable, est excellent en redneck. Hillary Swank ne fait que de furtives apparitions, alors que Giovani Ribisi alterne entre crédibilité et zèle excessif. Greg Kinnear ajoute une corde à son arc dans un rôle ambigu.

Raimi entretient le suspens jusqu'à la fin sans perdre le rythme. Du mari violent à la femme en colère, du gentil fiancé au procureur qui a un secret, chacun est susceptible d'être le meurtrier.

Le réalisateur sait aussi y faire quant à donner des frissons. La scène où Blanchett s'approche lentement de sa chambre d'où proviennent des bruits, est des plus prenantes. Que ce soit une fenêtre ouverte ou une prémonition, on s'attend toujours à voir quelqu'un ou quelque chose bondir. L'altruisme d'Annie, et sa bienveillance envers le monde qui l'entoure viennent quelque peu adoucir la noirceur de ce conte.

Réalisées avec talent et supportées par des acteurs de choix, l'histoire familière de la recherche d'un meurtrier et les scènes de tribunal deviennent tout à coup absorbantes.

  Anji Milanovic