The Other Conquest, film ambitieux du réalisateur Salvador Carrasco, péche de ne pas être un grand film épique. Le film se voulant épique n’arrive en effet pas à capturer la violence qui entoura la conquête du Mexique en 1521 et n’apporte pas pour autant une profondeur spirituelle qui expliquerait la conquête espagnole des aztèques et l’affrontement de deux religions symbolisées par la Vierge et la déesse aztèque Tonatzin. Et aprés les résultats décourageants de The Road to El Dorado (Dreamworks), cette tendance ne fait que confirmer l’échec cuisant des cinéastes actuels espérant attirer les spectateurs latinos sur les rimes simplistes des Nina, Pinta, et Santa Maria.
Damian Delgado y incarne Topiltzin, fils du roi Moctezuma, qui quelques années aprés la conquête du Mexique est l’un des derniers de sa race. Le codex (historique illustré) est l’ultime représentation de sa civilisation et de sa foi. Capturé par les espagnols, il n’est épargné que par l’intervention de sa noble soeur Tecuichpo (Elpidia Carrillo) devenue la compagne de Cortes, pour être confié aux bons soins de frère Fray Diego dans un but de conversion. S’en suit donc cette “other conquest” (autre conquête) de l’âme, et par la même un drâme classique: l’indien fier et entêté résiste à l’éthnocentrique religieux Fray Diego, dans un affrontement qui souligne la similarité des deux personnages (auncun d’eux ne trahira ses convictions). Cette bataille des volontés devient alors le thème porteur du film sans malheureusement tenter une exploration plus profonde de ce moment historique de fusion de deux religions. Le film suggère que la soif de religion est si forte qu’elle peut trouver des icônes de remplacement dans d’autres religions. Tonantzin et la vierge sont les même aux yeux du fidèle. Alors que sa dévotion à Tonantzin est flagrante, on ne peut que s’étonner de l'obsession de Topiltzin pour la Vierge Marie. Ainsi aprés des années passées à ignorer Fray Diego, il se prend du désir de voler la statue de Marie, mais dans quel but? Est-il conquis ou veut-il la conquérir? On ne le saura jamais. Il périt et elle le survit. Fray Diego qui les découvre les réunira dans la mort. Dans quel but? Si le but du film était d’expliquer la première apparition de la Vierge de Guadalupe, il commence alors sur un mensonge.
La réalisation de Carrasco est inégale. Alors que certains moments sont surréels et capturent une certaine essence, quelque chose manque, l’absence de grandes scènes qui en ferait un grand film épique. Ce qu’il aurait fallu est un sentiment de perte et de grandeur. The Other Conquest est filmé comme si il y avait seulement une vingtaine d’aztèques et une poignée d’espagnols. De plus, l’absence de lumière donne l’impression que le tout ait été filmé en espace clos. Une lumière oppressante aurait pu démontrer la défaite des aztèques d’une façon plus convaincante. Le sacrifice de début est par contre visuellement saisissant et souligne l’esprit religieux et familial des aztèques, et par la même contraste avec la brutalité des espagnols. Si ceux-ci sont choqués par les pratiques de cette civilisation, ils n’ont aucun problème à justifier leur violence lorsqu’ils fouettent Topilzin avec une chaîne puis lui brûlent les pieds.
Le jeu des acteurs est parfois trop opulent par rapport au minimalisme extrême du film. Si Inaki Aierra est un convaincant arrogant Cortes et Damian Delgado apporte à Topiltzin une grace certaine, ils sont si prisonniers d’un scénario trop structuré, contraint et parfois si mélodramatique qu’aucun d’eux n’a la chance de pouvoir s’épanouir. Le personnage de Fray Diego est complexe, pris entre plusieurs feux, Dieu, l’or et la gloire dans Las Americas et n’hésite ainsi pas à appeler le langage aztèque la langue des chiens avant de préserver des morceaux du Codex dans sa bible.
En fait j’en attendais plus. Je voulais voir la bibliothèque aztèque en flammes, ressentir la perte et l’horreur tandis que des villes entières seraient détruites. Mettre les spectateurs dans cette situation aurait donné une vision plus étendue du chaos et de la fusion entre aztèques et espagnols.
Les désirs du réalisateur sont plus apparrents qu’ils ne convaient. En optant pour une fin ambigüe, il laisse la conquête spirituelle inexpliquée.