The Tulse Luper Suitcases
Réalisé par Peter Greenaway
Avec : J.J. Feild, Victoria Abril, Isabella Rossellini, Franka Potente
Scénario : Peter Greenaway
Titre Original : The Tulse Luper Suitcases
Durée : 2:05
Pays : USA, Pays-Bas
Année : 2003
Site Officiel : The Tulse Luper Suitcases
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On n'accouche pas d'une œuvre en ne se reposant que sur une débauche de moyens techniques et d'effets m'as-tu vu. Avec The Tulse Luper suitcases, « épopée » d'un homme dont les aventures embrassent presque tout un siècle, Peter Greenaway pèche par excès d'ambition. Noyée dans une orgie d'effets visuels, son histoire coule à pic sans qu'aucun élément, que ce soit la mise en scène ou les acteurs eux-mêmes, ne parvienne à la secourir. Insupportable jusqu'à la nausée.
L'idée aurait pourtant pu séduire. Suivre les aventures d'un écrivain, de 1928, année de la découverte de l'uranium, à 1989, marquée par la chute du mur de Berlin, à travers le globe (de l'Utah à Kyoto, en passant par l'Europe, la Mandchourie et la Sibérie), justifiait bien plus de deux heures en sa compagnie. L'idée d'utiliser des valises (92 en tout, numéro atomique de l'uranium) comme symboles de ses voyages, ou encore, comme autant d'archives encyclopédiques, témoignaient d'une inspiration enthousiasmante. Ambitieux jusqu'à la déraison, Greenaway présente ce film comme le premier volet d'une trilogie, qui ne se limite pas au grand écran, puisque son projet comporte également une série télévisée, un DVD pour chaque valise, un site web, et des livres.
A l'écran, un déballage d'arsenal visuel, une esbroufe saupoudrée de poudre de perlimpinpin, envahit la toile sans que le rythme ne faiblisse une seconde. Cadres dans le cadre, split-screens, à l'horizontale, à la verticale, images d'archives en surimpression, incrustations sérigraphiques, cartes postales, etc. Non content d'agresser nos yeux, le film s'en prend également à l'ouïe. Les voix se répètent à l'infini, et la logorrhée de la voix off, n'offre aucun répit. Après avoir jeté en vrac tous ces éléments dans un mixeur, Greenaway nous sert son plat expérimental sans prendre la peine d'enfiler des gants. Et bon appétit. Ce ne sont pas les ingrédients qui font un bon met, mais le tour de main.
Greenaway démontre en deux heures qu'il n'a pas digéré les nouveaux langages visuels, qu'il voulait confronter avec d'autres, plus traditionnels. Son film ressemble au résultat d'une nuit blanche passée sur des logiciels de graphisme et d'effets spéciaux, pendant laquelle il aurait oublié de compulser les manuels, se contentant de cliquer au hasard et d'encombrer son écran. On imagine aisément son visage illuminé, s'émerveillant devant le potentiel de l'informatique moderne. Non content de se prendre pour James Joyce, le réalisateur s'auto-congratule en citant lui-même ses propres œuvres, comme Zoo ou Le Ventre de l'architecte. Devant tant d'énergie dépensée en vain, on se désole et n'espère qu'une chose : qu'il fasse ses valises.
Moland Fengkov
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