critique de Un homme perdu
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En voyage au Moyen-Orient, un photographe français est à la recherche d'expériences extrêmes. Dans l'intimité de chambres d'hôtel, il fixe sur la pellicule ses ébats avec des prostituées. Sa route croise celle d'un homme amnésique et solitaire, porteur d'un lourd secret. Il l'engage comme interprète et enquête sur cet " homme perdu " qui a quitté Beyrouth dix-sept ans plus tôt, les mains couvertes de sang. D'un naturel égoïste et manipulateur, l'artiste finit par faire l'expérience de l'altérité, au contact de son mystérieux acolyte. Danielle Arbid filme le choc des corps et des cultures qui s'exprime dans la relation conflictuelle qu'entretiennent ses deux protagonistes. Le film procède comme une révélation, selon le processus chimique qui permet à une photographie de se matérialiser. Révélation tant artistique qu'humaine. Le photographe ne regardera plus le monde comme avant à l'issue d'un parcours où il se départit de sa posture dominatrice. Le film pose la question de la prééminence de l'art sur l'altérité. L'artiste prédateur traque les corps qu'ils forcent et contraint à son désir tant sexuel qu'esthétique. La nudité se dévoile sous la caméra du photographe : une provocation dans des pays où la sexualité comme le commerce des corps se dérobent au visible. Le Français ne respecte pas la culture des autochtones, ce qui lui vaut d'être molesté. Mais c'est le prix à payer pour que l'œuvre photographique transgressive gagne son surcroît d'intensité. On verra peu du résultat artistique. Quelques clichés tout au plus que classe machinalement le photographe, de retour à Paris. Danielle Arbid ne retient que le geste mécanique de la capture d'image, ces instants volés à l'intimité. C'est l'une des premières frustrations que suscite le film, pour qui admire le travail de D'Agata et la fulgurance de ses nus foudroyés, dévoyés. Un parti pris audacieux en même temps : Un Homme perdu n'est, au fond, absolument pas un film sur la photographie. La réalisatrice d'origine libanaise filme en HD, la plupart du temps en lumière naturelle qui donne à l'image un gros grain, proche des clichés de D'Agata, l'habitant de la nuit qui n'est pas présenté sous son meilleur jour. Profondément antipathique, le personnage du photographe est difficile à cerner et la tâche est ardue qui consiste à lui emboîter le pas dans ce road movie existentiel où la durée se dilate malheureusement à outrance. Le film souffre de longueurs et d'une absence d'idée de la mise en scène des corps. Reste les interprètes. Poupaud a gagné, au fil de ses prestations, en assurance et convainc dans ce rôle où il interprète de nouveau un photographe, comme dans Le Temps qui reste de François Ozon. Mais l'on restera scotché surtout par son alter ego fictionnel, le troublant Alexander Siddig, vu dans la saison 6 de 24H Chrono ou dans l'excellent Syriana. Fiévreux, opaque, il emporte le morceau et insuffle à son personnage d'homme étranger à lui-même, une émotion intense.
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