Salò ou les 120 journées de Sodome
Réalisé par Pier Paolo Pasolini
Avec : Paolo Bonacelli, Giorgio Cataldi, Umberto Paolo Quintavalle, Aldo Valletti
Durée : 1:53
Pays : Italie/France
Année : 1975
Web : Site Officiel
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Quatre hauts fonctionnaires de la République fasciste de Salo, organisent l'enlèvement de jeunes gens dans les campagnes italiennes, pour assouvir leurs plaisirs pervers. Séquestrés dans une villa mussolinienne, les jeunes victimes sont réduites à l'état d'objets, à partir desquels les tortionnaires défoulent leurs pires pulsions : viol, actes de coprophagie, tortures et, au final, mise à mort coïncidant avec le déclin et la chute de la République de Salo.
La reprise sur les écrans parisiens, cet été 2002, de l'œuvre maudite de Pier Paolo Pasolini qui fut assassiné quelques jours après la première, soulève des interrogations : qu'est-ce que ce film mythique a conservé aujourd'hui de sa sulfureuse aura, de son implacable nécessité, près de trente ans après ?
Finalement, assez peu de choses ! Si le film fit scandale en 1975, aujourd'hui l'objet du malaise s'est déplacé. La représentation des turpitudes des quatre fonctionnaires (respectivement duc, banquier, évêque et magistrat, symbolisant la pourriture et la corruption de l'Etat) ne choquent plus ou peu. Quant au discours libertaire que les bourreaux s'approprient, transposé directement de l'œuvre sadienne, il peut déranger, étant paradoxal. Ici, les anarchistes sont ceux qui sont au pouvoir et parce qu'ils en jouissent, ils sont au-dessus des lois, libres de jouir de qui bon leur semble et de tuer. Cet amalgame peut gêner, mais la violence de Salo ne tient pas non plus dans ce discours assez malheureusement employé par les personnages, mais bien dans les sévices pratiqués sur les corps.
C'était le projet initial de Pasolini que de témoigner de la violence exercé sur le corps, plus que d'évoquer le fascisme en Italie, de 1943 à 1945. En cela, son film est toujours et plus que jamais d'actualité ! C'est ce qui justifie pleinement la (re)découverte de Salo en salle aujourd'hui. Le corps est instrumentalisé, brutalisé, jusqu'à son anéantissement, son morcellement. Le dernier segment du film, appelé « le cercle du sang » voit les bourreaux infliger toutes sortes de mutilations aux jeunes victimes, achevant de les priver de leur intégrité physique.
Un profond pessimisme empreint le film du début à la fin. Il n'y a nul échappatoire, que ce soit pour les victimes, aussi bien que pour les bourreaux dont la perte est inéluctable. Là réside encore la force de ce film oppressant.
Pasolini souhaitait évacuer tout plaisir pour le spectateur, ce qui fonctionne parfaitement bien. Salo est un film que l'on subit de bout en bout, non pas parce qu'il est insoutenable (sa violence, nous l'avons dit, a été édulcorée avec le temps), mais bien en raison de cette volonté affichée de ne pas « séduire » le spectateur.
Le film accuse par ailleurs le temps, à l'instar des mères maquerelles qui orchestrent les plaisirs de ces messieurs les hauts fonctionnaires ! Salo est une œuvre visuellement datée, marquée par une quasi absence de mise en scène, participant au déplaisir du spectateur, effet recherché par le metteur en scène lui-même.
Si Salo mérite néanmoins d'être redécouvert et apprécié, c'est aussi à l'aulne de toute l'œuvre de Pasolini. A la morbide sexualité de Salo, il est bon de lui opposer l'érotisme de La Trilogie de la Vie.
Il est désormais possible de redécouvrir l'ensemble de ces films, partagés entre le païen et le sacré, grâce au coffret DVD.
Sandrine Marques
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