District 9 movie review DVD critique de District 9



 

 



District 9 review

District 9 / E.T.

:. Réalisateur : Steven Spielberg & Neill Blomkamp
:. Acteurs : Henry Thomas, Sharlto Copley
:. Année : 2009 / 1982
:. Pays : USA


D' E.T. (1982) à District 9 (2009), si les couplets sont restés les mêmes, le célèbre refrain par contre, " E.T. Go Home " a résolument changé de ton - et d'intention.

En 1982, sous la caméra bienveillante de Steven Spielberg, un extra-terrestre aux yeux bleus se perdait sur Terre au milieu de la nuit et cherchait, avec l'aide d'une bande d'adolescents empathiques, à rentrer chez lui. Il créait la panique en premier lieu avant de susciter la sympathie d'une fratrie attachante, intégrait le quotidien d'une famille américaine, intriguait l'armée et la recherche scientifique, s'enfuyait d'un laboratoire et regagnait l'espace, la larme à l'œil, en émouvant la planète entière.

En 2009, ils sont plus d'un million entassés dans un bidonville sud-africain, le District 9, à espérer le ciel promis, sous un soleil de plomb et l'ombre prophétique de leur avenir immobilisé - une base spatiale de plusieurs kilomètres carrés en station au-dessus de Johannesburg - et à se voir offrir en échange la déportation. Leurs yeux ne sont plus bleus, ils ressemblent à des Crevettes (c'est ainsi que les hommes - et Neill Blomkamp, scénariste et réalisateur - les ont baptisés, les Prawns) à la sauce Predator, sont accros à la pâtée pour chat - on pense inévitablement à Alf - et " ils ne sont pas les bienvenus ".

L'aveu en est assumé en baseline grasse et racoleuse sur l'affiche du film. La métaphore (on ne s'attardera pas ici sur les multiples résonances avec l'actualité politique et internationale) fait de la science fiction un seul prétexte pour révéler la nature des sentiments humains : on y est à l'écran globalement xénophobe et particulièrement fier de l'être en caméra subjective, façon documentaire. On n'y cherche pas davantage d'espoir que l'on en promet à l'autre - ou que l'on est capable d'en fournir, crise mondiale oblige.

E.T. en son temps - et vraisemblablement sans le vouloir - avait certainement œuvré, en mettant à jour un désir légitime : rentrer chez soi, à l'établissement, voire la radicalisation, d'une volonté d'exclure l'étranger. Que ce fût pour se protéger (individuellement, collectivement ou à l'échelle planétaire) ou pour lui rendre service revenait au fond au même : les origines différaient et empêchaient l'intégration, il n'y avait pas de vie possible en commun. On avait beau pleurer sur le retour d'E.T. en serrant sa poupée à l'effigie de l'extra-terrestre, on savait que l'on s'en débarrasserait l'année suivante à la faveur d'un nouveau jouet. Qui aujourd'hui voudrait même d'une peluche issue de District 9 ou de Starship Troopers?

Presque trente ans séparent E.T. de District 9.

Les deux films racontent pourtant la même histoire : la rencontre extra-terrestre, son installation dans le quotidien, le décalage d'une civilisation par rapport à l'autre, l'exclusion de l'étranger, son exploitation scientifique / militaire, le recours à une bonne volonté locale prête à enfreindre l'autorité pour l'aider à s'enfuir, jusqu'au happy end final - acceptable et relatif dans le premier, inutile et ridicule dans le second.

Mais en trente ans, la société, elle, a changé. Elle a tourné le dos au romantisme et aux images d'épinal, elle s'est mise à nu pour mieux se blinder (lumière crue et sans artifice sur le film de Blomkamp quand E.T. se fondait dans la nuit et le confort d'un foyer américain). De même le cinéma a-t-il modifié au fil des années ses codes pour coller à ces (r)évolutions. Caméra subjective, télé-réalité, documentaire en quête de vérité à tout prix, pour affronter le pire en l'homme et finir par s'en accoutumer (solidarité populaire dans E.T., trafic et prostitution dans le ghetto de District 9). La télévision, qui avait suivi dans un premier temps, est devenue pionnière et a dicté ses lois. Les séries télévisées ont pris le relais, réinventant le héros (naïf et bon chez Spielberg, il est cynique, pervers et finalement désespéré chez Blomkamp), renouvelant le sentiment patriotique (présent dans les années 80, il s'est nourri des conflits orient-occident de la fin du XXème siècle pour exploser après les attentats du 11 septembre), justifiant la torture et la violence (la révolte contre les agissements de la science est unanime chez Spielberg, elle est une affaire personnelle dans District 9), exaltant le don de soi et le sacrifice (la mort est une menace dans le cinéma des années 80, elle y est une réalité spectaculaire et esthétisante aujourd'hui). Après trente ans de guerre cathodique, de zapping et de refuge dans le virtuel la société a entériné le refus de l'autre (on secouait la main, nostalgique, quand E.T. rentrait chez lui, on fête le départ des Crevettes en priant pour qu'elles ne reviennent pas). Peur de l'extérieur et retranchement chez soi. Jusqu'au sport qui se pratique au milieu du salon, à coups de poignets (comme la guerre cinématographique se pratique à coups de joysticks) - on appelait cela auparavant de la masturbation. En passant par Michael Jackson (la transformation de Wikus Van de Merwe - Sharlto Copley, éprouvé et résistant - en est l'écho involontaire, l'hommage regrettable).

On finira sur une note plus légère, un dernier parallèle évident qui émerge des deux films : comme on s'est souvenu des immenses yeux bleus d'E.T., on se souviendra longtemps des mirettes écarquillées du fils Crevette en planque terrifiée dans sa navette échouée. Et chez l'un et l'autre de ces deux enfants traumatisés, on retiendra l'échappée rêveuse qu'offre la lune (Eldorado unique et lumineux chez Spielberg, au nombre de sept et tristement hors d'atteinte chez Blomkamp) pour signifier l'appartenance à un ailleurs spatial et viscéral, son regret et une foi inébranlable en des lendemains meilleurs - à croire que l'espoir est devenu une notion extra-terrestre.


  Laurent Herrou


    


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