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L'Empire des Sens / L'Empire de la Passion
Réalisés par Nagisa Oshima
L’IMPORTANCE DU REGARD
Dans les deux « empires » d’Oshima, la position du spectateur s’avère essentielle à la compréhension du film. Dans les deux cas, elle s’apparente au voyeurisme, mais ceci à des fins différentes.
L’Empire des Sens
Le regard, celui du spectateur, joue un rôle important et très complexe dans L’empire des sens. Le spectateur comme voyeur, témoin de l’acte sexuel, est rapidement associé dans le récit aux geishas et servantes qui, comme lui, assistent aux ébats du couple. Dès le début du film, il y a présence de voyeurs : Sada et une autre servante épient Kishi et sa femme qui font l’amour. Il y aura constamment par la suite des témoins à l’acte sexuel, leur rôle est celui du spectateur, ils en sont en quelque sorte un double dans le film. Mais au fur et à mesure que le récit avance, les témoins - geishas et servantes, mais aussi le spectateur du film - verront davantage que ce qu’ils veulent bien voir, seront de moins en moins volontairement voyeurs (alors que le voyeurisme fait place à l’exhibitionnisme dans le film). Ainsi, les servantes finiront par ne plus vouloir servir Sada et Kishi parce qu’ils sont toujours en train de baiser. Comme les geishas et les servantes, l’obscénité et la répétition (fortement exploitée dans le film) agiront sur le spectateur. Celui-ci aura l’une ou l’autre de ces réactions : soit il décroche du récit (comme le font la plupart des geishas et servantes), soit il subit l’absorption diégétique jusqu’au bout et prend le risque de demeurer (dans la dernière partie du film, alors que geishas et servantes ont disparues) seul avec le couple.
Cette deuxième option comporte certains risques et Oshima en avertit le spectateur à quelques reprises dans le film. Par deux fois, une servante fait part au couple du dégoût qu’il inspire à ses consoeurs de la maison. Celle qui les en avertit est la dernière à bien vouloir le faire (elle choisit de rester seule avec eux) et, les deux fois, elle est agressée par le couple. Davantage que Kishi, c’est Sada qu’Oshima identifie comme étant dangereuse : elle gobe (ou happe) l’œuf - symbole de l’œil (œil du voyeur) - et elle porte un tatou de scorpion sur le lobe de l’oreille (comme quoi il ne fait pas bon l’approcher). Le gros plan du vagin gobant l’œuf est aussi lié au gros plan de la bouche de Sada plus loin dans le film ( au moment où, après que Sada lui ait dit de le faire, Kishi baise la vieille geisha ; celle-ci n’en sort pas indemne, ne donnant plus aucun signe de vie) ; comme le plan du vagin s’attaquait à l’œil par une symbolisation de celui-ci, celui de la bouche menace directement l’œil du spectateur.
Ainsi, le spectateur qui ne décroche pas et qui subit l’absorption diégétique s’expose à un danger qui résultera en sa castration au dénouement du film.
L’Empire de la Passion
Comme dans L’empire des sens, le spectateur est identifié au voyeur. Au lieu d’utiliser l’identification à un personnage-voyeur qui serait dans le récit (les geishas et les servantes dans L’empire des sens), Oshima a plutôt recours à des prises de vues renforçant la position de voyeur du spectateur. En effet, dans les deux premières scènes où Seki et Toyoji font l’amour, la caméra est placée derrière des lattes, positionnant ainsi le spectateur en espion. Plus loin, le spectacteur-voyeur sera associé à l’inspecteur faisant enquête sur les amants. Ceci dans la scène où l’inspecteur se retrouve lui aussi dans la position de l’espion, c’est-à-dire lorsqu’il se cache dans la maison pour épier Seki et Toyoji. Le spectateur de L’empire de la passion se trouve donc associé à la justice (extension du personnage de l’inspecteur), cette justice qui persécute les amants et les condamnera à la mort.
Le même procédé que dans L’empire des sens est utilisé, au fur et à mesure que le film progresse, le spectateur-voyeur se rapproche de plus en plus de l’objet de son regard (le couple). Cependant, cette fois-ci on ne s’approche pas du couple en s’isolant avec lui de la réalité, mais plutôt en brisant leur isolement pour y réintégrer la réalité. À chaque fois que le couple fait l’amour, le spectateur se trouve de plus en plus près de lui (d’abord les lattes disparaissent, puis nous passons d’une position éloignée en forêt à une position proche des amants, dans la même pièce) ; au même rythme, l’enquête de l’inspecteur avance et se dirige vers une conclusion.
C’est dans la scène où les amants, pendus à un arbre, se font torturer que le spectateur occupe clairement la position qui lui revient. Parmi les badauds, il est confiné dans le rôle de potinier. C’est en effet sur les ouï-dire qu’est construit L’empire de la passion ( comme le fait divers qui l’a inspiré) : de l’apparition de Gisaburo aux villageois à l’exécution de Seki et Toyoji qui n’est, comme le dit la narration finale, que cancan.
Sebastian Sipat
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