Festival de Cannes 2007 Festival de Cannes 2007



 

 



Festival de Cannes 2007

Festival de Cannes - Edito

:. Durée : 17 - 28 mai
:. Ville : Cannes
:. Pays : France
:. Edition : 2007/59e
:. Site Officiel : Festival de Cannes 2007


Edito | CRITIQUES

Fin du festival - commentaire du palmarès

Stephen Tears. Ne jamais se fier aux émotions qu'on tente de déceler sur le visage des membres d'un jury cannois. On a vu le président de la 60e édition du Festival de Cannes verser des larmes à l'issue de la projection officielle de Persepolis de Marjane Strapi et de Vincent Paronnaud. Le bruit a alors couru, à quelques jours du verdict, que le festival pourrait souffler sa 60e bougie en couronnant pour la première fois un film d'animation. On s'est trompé. Stephen Frears aurait également pu être sensible au travail d'une Catherine Breillat apaisée, adaptant Barbey d'Aurevilly (La vieille maîtresse) comme lui-même adapta Choderlos de Laclos (Les liaisons dangereuses). Son jury a finalement décidé de récompenser un outsider qui, comme le montre le reste du palmarès, affirme une volonté d'ouvrir le cinéma au-delà des frontières défendues par les ténors, les grands noms qu'on retrouve habituellement en compétition pour le plaisir de leurs fans et le malheur de leurs détracteurs, ceux qui voient en ce festival un raout pour happy-few, un club pour quelques réalisateurs retenus sur la seule foi de leur nom, au détriment de cinéastes moins connus qui pourtant n'ont rien à leur envier en terme de talent.

Comme nombre de journalistes présents dès le début du festival, Plume noire est sorti conquis de la projection de 4 mois, 3 semaines et 2 jours de Cristian Mungiu. Conquis par une mise en scène intelligente, une direction d'acteurs qui ne laisse pas de place au hasard, un sens (peut-être un peu trop) aigu du cadre utilisant avec pudeur le hors-champ et une photographie naturaliste lorgnant par moments vers l'obscurité. Le tout au service d'une histoire forte qui évite presque tous les pièges du misérabilisme sans laisser le spectateur dans l'indifférence, racontée en de longs et virtuoses plans-séquences filmés par une caméra parfois très mobile et endurante, n'hésitant pas à parcourir des centaines de mètres pour coller aux basques de son personnage principal (l'actrice Anamaria Marinca qui porte de bout en bout tout le film sur ses épaules aurait tout autant pu repartir avec le prix d'interprétation féminine). Après la première incursion de Wong Kar Wai (My blueberry nights) au pays de l'oncle Sam qui, s'il présentait le mérite d'épargner l'ouverture du festival d'une daube hollywoodienne (Da Vinci Code) ou française (Fanfan la tulipe), ne parvenait pas à recueillir tous les suffrages, le long métrage du Roumain constituait le premier choc de la compétition. La première bonne surprise.

Seulement voilà. On se souvient de l'édition précédente : Summer palace (sorti en France sous le titre d'Une jeunesse chinoise), programmé en début de festival, avait séduit par sa modernité et pouvait prétendre à un prix, voire, pour certains, à la Palme, mais avait finalement sombré dans l'oubli les jours suivants. Si 4 mois, 3 semaines et 2 jours parvenait à alimenter les conversations tout au long de la quinzaine, la sélection, de haute tenue cette année, ne lui laissait que peu de chance de figurer au palmarès. Les autres films en lice possédaient tous les atouts pour lui faire subir le même sort que Summer palace, en l'occurrence une sélection américaine en excessivement grande forme : Tarantino au sommet de son art (Death proof), malgré des dialogues un tantinet trop longs, pour beaucoup la Palme du cœur, Gus Van Sant (Paranoïd park) déroulant son système narratif et esthétique initié avec Elephant et Gerry, pour beaucoup d'autres la Palme du cœur, les Coen qui livrent leur meilleur film depuis longtemps (No country for old men), David Fincher et son anti-Seven (Zodiac) et James Gray qui signe son grand retour avec une tragédie crépusculaire (We own the night/La nuit nous appartient), là encore Palme d'or du cœur pour nombre de critiques. Le cinéma d'outre-Atlantique représentait ce que la sélection pouvait offrir de plus excitant cette année (n'oublions pas le jouissif Ferrara, Go Go tales, injustement présenté hors-compétition), mais cette 60e édition du Festival de Cannes aura aussi marqué les rétines par une tripotée de réalisateurs formalistes livrant en de longues heures des films dont la beauté des plans (séquences pour Béla Tarr et son Homme de Londres ou fixes pour Carlos Reygadas et sa Lumière silencieuse) éblouit dès les premières minutes, notamment ceux d'Alexandre Sokourov (Alexandra), d'Andreï Zviaguintsev (le Bannissement) ou de Ulrich Seidl (Import/export). Enfin, des films s'inscrivant dans une veine socio-géo-politique possédaient toutes les armes pour séduire en masse, et le jury, et la critique, et le public. Parmi ces favoris, qui figurent néanmoins au palmarès, Persepolis, donc, mais aussi De l'autre côté de Fatih Akin, qui ne quitte la Croisette qu'avec le prix du scénario. Ces deux films (avec Import/export) posent avec intelligence, et parfois avec humour, la question de la place de l'homme dans le monde. Une place de plus en plus difficile à trouver dans un monde en constante mutation et aux frontières poreuses et incertaines.

Le scaphandre et le papillon, autre grand favori (malgré un mauvais démarrage en salles), pouvait prétendre aux plus hautes distinctions. Son réalisateur Julian Schnabel ne parviendra pas à dissimuler sa déception. Après la remise des prix, le voici en conférence de presse. Les photographes lui demandent de montrer son prix de la mise en scène. Visiblement agacé, il déclare : " vous savez, ce n'est qu'un rouleau de papier et du ruban rouge, vous pouvez faire le même chez vous. " Pas sûr qu'il aurait réagi de la même façon avec la Palme d'or sous le bras. Pas fair-play, le Schnabel.

Au final, outre le cas Van Sant qui repart avec le prix du 60e anniversaire, les grands favoris se retrouvent éclipsés du palmarès au profit de réalisateurs et d'acteurs inconnus du grand public, venant des quatre coins du monde. La japonaise Naomi Kawase, le Mexicain Carlos Reygadas, la Coréenne Do-Yeon Jeon, le Russe Konstantin Lavronenko. Soit, un palmarès cohérent qui affiche clairement une volonté de faire reconnaître la diversité des talents, de montrer à la grande famille du cinéma qu'elle peut et doit compter sur d'autres membres que ceux qui occupent habituellement le devant de la scène. — Moland Ferkov

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