:: MARDI 13 SEPTEMBRE 2005
Fin de festin. Brett Leonard est bien content d'être là pour clore cette treizième édition, somme toute mitigée, de L'Etrange Festival. Il est surtout très satisfait de son film Feed, histoire indigeste d'obèses gavées sur internet jusqu'à ce que mort s'ensuive. Racoleur et pataud, le film puise sa matière dans de vieux fonds de gamelles. Jamais malsain mais toujours ridicule, Feed a tout du produit avarié : scénario ( ?) rebattu, situations grotesques et twist idiot, le tout servi par une mise en scène tape à l'œil et esthétisante à souhait. Comme navet, Feed fait figure de poids lourd. Sandrine Marques
:: LUNDI 12 SEPTEMBRE 2005
L'accordeur de tremblements de terre de Stephen et Timothy Quay, 2005, 1h35.
:: SAMEDI 10 SEPTEMBRE 2005
Evénement : le bassiste du mythique groupe allemand Einstürzende Neubauten, Alexander Hacke, se produit ce soir en tête d'affiche, à l'occasion du deuxième concert concocté par les dynamiques organisateurs de l'Etrange Musique.
De fait, la prestation de People like us, en deuxième partie de soirée, paraît bien éthérée. Vicki Bennett travaille le dialogue son/image, en s'appuyant sur la vidéo. Le recours à l'archive appuie un travail sur le contrepoint. Son horizon ? la culture populaire à laquelle le multimédia donne sa patine singulière. Un surcroît de poésie et d'ironie aurait contribué à l'émergence d'un vrai univers, lequel fait ici défaut.
Nuit auto-défense USA. Très en vogue dans les années 70/80, un certain cinéma réactionnaire, prônant l'auto-justice et l'usage des armes à feu, connaît son apogée. Sa figure emblématique ? Charles Bronson, dont la série des " Justicier " se devait de figurer dans le corpus de films proposés. La soirée démarre avec un très bel exercice de montage, signé par la joyeuse bande des Seconds Couteaux, un collectif décalé de cinéphiles, qui vise à réhabiliter ces acteurs qu'on reconnaît à leur faciès, sans pour autant les identifier. Mais après cette euphorisante entrée en matière, le malaise s'installe. Class 1984 de Mark Lester, aussi ringard que douteux, raconte les déboires d'un prof dans une high school, malmené par des petites frappes. Lorsque ces derniers s'en prennent à son épouse, l'enseignant dégaine les armes. Difficile, même avec une bonne dose de second degré, de dépasser l'idéologie nauséabonde qui imprègne la bande. Quant au Justicier, dont les aventures ont fait les grandes heures des programmations télévisuelles de deuxième partie de soirée, on décide de le laisser régler ses comptes en solitaire. Sandrine Marques
:: VENDREDI 9 SEPTEMBRE 2005
Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi ont lancé le genre shockumentary (Mondo Cane 1962 - Africa addio 1966) : travellings, gros plans tout crus, obscénité du réel, ethnologie trafiquée, effets sensationalistes, montage abrupt, juxtaposition violence/douceur qui rend la douceur plus brutale que la violence, bande-son en contrepoint, flonflons de Riz Ortolani - voix off sarcastique .
Prêche en faveur de l'esclavage, justifié par la Bible ( mythe des noirs descendant de Cham, le fils maudit de Noé ). Premières églises noires, seul lieu où ils pouvaient revivre leurs anciens rites, danses et transes . Identification au peuple de la Bible - à L'Exode surtout - Let my People go. Serviteurs et gens de maison, Mamma régnante, mère maquerelle, droit de cuissage, vieille bourgeoisie sudiste muséifiée, rejouant son ancien mode de vie dans ses meubles et costumes devant les touristes, allusion aux Black Panthers, candidats politiques noirs traités en clowns , gay pride en place du carnaval noir, hippies blancs se badigeonnant le corps de peinture pour expier leurs fautes. Visite du grand lupanar de New Orleans, avec le tour des spécialités. Et pour finir, on fait le tour d'une ferme d'élevage, sélection des races, saillie, accouchement (un dollar pour chaque enfant né). Le viol, condition permanente du commerce de bois d'ébène. A aucun moment le film ne bascule dans la compassion. Le brûlot est truffé de diversions. L'horreur est dépouillée par la farce, le réalisme par l'outrance, le voyeurisme par l'ironie. La superproduction au service de la subversion. Chef d'œuvre immédiatement occulté, Jacopetti et Prosperi retournèrent à leur série des Mondo et s'enfouirent dans le cinéma bis. La même année, ce sont deux films italiens "politiques" nettement plus présentables qui raflèrent le grand prix à Cannes : L'Affaire Mattei et La Classe ouvrière va au paradis. Damien Panerai
:: JEUDI 8 SEPTEMBRE 2005
:: MERCREDI 7 SEPTEMBRE 2005
:: MARDI 6 SEPTEMBRE 2005
" Dormir est une façon de mourir ou tout du moins de mourir à la réalité, mieux encore, c'est la mort de la réalité " disait Salvador Dali, propos qui sied à merveille au troublant Sleeping Beauty (1973) de James B. Harris, l'une des très bonnes découvertes de cette édition. Une belle jeune femme, plongée depuis huit ans dans un sommeil artificiel, constitue une attraction de foire. Elle est achetée par un musicien de jazz et devient le centre de jeux pervers de l'homme et de sa compagne, une riche oisive. Belle au Bois dormant moderne et baroque, douce et délétère à la fois, Sleeping Beauty plonge dans les affres de la passion. Condition du désir : sa mise en scène. L'imaginative châtelaine aura tôt fait de dévoyer la candide dormeuse qui ne s'épanouit que dans la contrainte. Film sur l'impuissance, l'innocence perdue et la représentation, Sleeping Beauty s'achève sur un final cruel et cynique. Ce conte de fées pour adultes va bénéficier en 2006 d'un director's cut bienvenu, palliant, on le souhaite, aux quelques longueurs qui parsèment l'entreprise. Sandrine Marques
:: LUNDI 5 SEPTEMBRE 2005
:: DIMANCHE 4 SEPTEMBRE 2005
Désormais un rendez-vous incontournable, le Retour de Flamme proposait de découvrir cette année Les Voyages Très Extraordinaires de Saturnin Farandoul de Marcel Fabre et Luigi Maggi (1914), épopée farfelue et drolatique, accompagnée au piano par Serge Bromberg, un truculent maître de cérémonie. Série de sketches, frappant par leur audace parfois (les ébats aquatiques du héros avec une plongeuse), ces Voyages ne manquent pas d'étonner par leur modernité. Point d'orgue cinéphilique de la journée, L'Enfer (1960) de Nobuo Nakagawa, œuvre baroque, à la lisière de l'iconoclastie. Deux étudiants renversent en voiture un homme. Poursuivi par la vindicative mère de la victime, l'un des protagonistes tue accidentellement son comparse. Rongé par la culpabilité et la mort de sa fiancée, il arrive en Enfer où il est éprouvé. Le héros y retrouve le sosie de sa bien-aimée. Entre Vertigo et La Divine Comédie de Dante, ce chef d'œuvre de noirceur pousse la proposition visuelle et narrative aux confins du rêve et de la folie. Le récit, tout en contrastes, mélange la théologie boudhique et la culture occidentale. Ce beau film étrange a donné lieu à plusieurs remake dont l'un, signé par Teruo Ishii. Sandrine Marques
:: SAMEDI 3 SEPTEMBRE 05
Enchantement sonore et visuel, le cinéma expérimental de Shuji Terayama, objet d’un hommage bienvenu, nous subjugue par son audace, sa poésie et son inventivité. Les Labyrinthes imaginaires (trois volumes compilant un certain nombre de courts métrages, réalisés entre 1964 et 1977) invitent à la rêverie et appellent l’interactivité. D’où le sens des étonnantes performances, concomitantes aux projections. Le volume 3, variation poétique autour des Chants de Maldoror, signe la culture littéraire d’un cinéaste, lui-même auteur de nombre de romans et poésies reconnus. Sandrine Marques
:: VENDREDI 2 SEPTEMBRE 2005
La journée s’ouvre par une curiosité, signée Salvador Dali : Impressions de la Haute Mongolie, « conte de fées pour adultes », vertige hallucinogène et délire poético-surréaliste. Champion des mystifications en tout genre, Dali vante les vertus d’un champignon rare, aux vertus créatrices. Rien de bien planant dans cette entreprise. On fera l’impasse sur Freakstars 3000, vu lors de l’édition précédente de l’Etrange Festival, pétard mouillé dénué d’intérêt sur la télé-réalité (des handicapés mentaux et physiques participent à une sorte de Popstars trash), pour se concentrer sur le controversé Gloria Mundi du grec Nico Papatakis. Exploité peu de temps, en raison de son sujet explosif, le film relate une résistance par le corps, celui d’une actrice qui cherche à trouver le cri ultime des suppliciés de la guerre d’Algérie, en s’infligeant elle-même des tortures. Insatisfait de son montage initial, Papatakis a remodelé le film, en vue d’une ressortie prochaine. On ne peut pas dire que ce Director’s cut gagne en épure, tant le cinéaste, soucieux d’éclairer sa démarche, s’encombre de commentaires inutiles. Visuellement daté, mais néanmoins brûlant d’actualité, Gloria Mundi vaut pour la prestation risquée de la très belle Olga Karlatos, possédée, au propre comme au figuré par le film et son réalisateur, à la figure redoublée. Des affres de l’aliénation amoureuse et politique. Dans le corpus de films consacré à l’esclavage, on se serait bien passé de l’inepte Manderlay, signé Lars Von Trier, le trublion danois, déjà manifestement à court d’inspiration, dès le deuxième volet de sa trilogie américaine. Même dispositif, mêmes décors : le tarissement créatif est entériné. La bravache Grace (interprétée ici par la mutine Bryce Dallas Howard – Kidman aura sauté du navire à temps) reprend du service. C’est maintenant une communauté de noirs que, dans sa bonté incommensurable, l’idiote du village entend libérer du joug de l’asservissement. Mais, twist ultime, ces esclaves sont eux-mêmes les artisans de l’aliénation. Trier ne recule devant rien et surtout pas devant le mauvais goût, tout comme Sclingensief qu’on décide de continuer à fréquenter, « histoire de voir ». Son Massacre à la Tronçonneuse allemande ne suscitera aucune question dans la salle, consternée par cette bouillie gore et arty. La tronçonneuse ne troublera pas notre sommeil de bûches. Sandrine Marques
:: JEUDI 1er SEPTEMBRE
Annoncé comme l’électrochoc du dernier Festival de Cannes, The Great Ecstasy of Robert Carmichael ne tient guère la promesse de sa scandaleuse rumeur. Situé à New Haven, cafardeuse ville côtière anglaise ravagée par le chômage, le film met en scène des jeunes en perdition, lesquels, au terme d’un lent processus d’auto destruction, commettent un crime abject. Thomas Clay, pour sa première réalisation, échoue par excès d’ambition tant formelle que discursive. Les afféteries de la mise en scène (amples panoramiques, fondus enchaînés ad libitum) ne comblent pas la béance d’un propos politique douteux, sur fonds de lutte des classes. Proche d’Orange Mécanique, dont le cinéaste se réclame, le final insoutenable radicalise la matière kubrickienne, mêlant dans un maelström indigeste, guerre en Irak, Shoah et combat social. L’extase du titre n’est guère contagieuse. D’une guerre l’autre. Celle mise en scène par Christof Sclingensief se veut volontairement scabreuse. Il s’agit de United Trash, l’un des volets d’une laborieuse trilogie dédiée au politique. Drôle sur le papier (l’épouse d’un général envoyé en Afrique pour le compte de l’ONU tombe enceinte d’un lilliputien noir, lequel intéresse un archevêque excommunié pour pédophilie), le film ne dépasse pas la gesticulation hystérique. Bancal, potache, le récit avance selon une trajectoire aussi hasardeuse que la réalisation. En dépit de saynètes anti-cléricales jubilatoires, Sclingensief confirme tous les a priori négatifs que l’on avait à l’égard de son cinéma opportuniste. Et c’est avec un plaisir certain que l’on préfère retrouver Udo Kier, son compagnon de cinéma, dans la 3è Génération de Fassbinder, œuvre magistrale, sombre et dense sur le terrorisme « rouge » qui, pendant près d’une décennie, ébranla la RFA. Sandrine Marques
:: MERCREDI 31 AOUT 2005
C'est dans un auditorium aux trois quarts plein que l'Etrange festival a ouvert ses portes pour la dixième fois au Forum des images, qui lui offre pour l'occasion la totalité de son espace. Gilles Boulenger et Frédéric Temps, les deux chefs d'orchestre de l'événement, se succèdent au micro. Rapide présentation des thématiques, à laquelle s'ajoute l'indispensable liste des remerciements auprès des partenaires, avant l'entrée en scène d'un invité surprise, lui-même rompu aux discours emphatiques : le président de Groland (Christophe Salengro), que tous les accros du Paf connaissent bien. " Etrangers, étrangères, festivaliers, festivalières… " commence-t-il, avant de poursuivre sur son plaisir de participer au festival " le plus festif et le plus estival ". Cerise sur le gâteau : la présence d'Udo Kier, salué par une standing ovation. L'inquiétant acteur se montre d'emblée disponible : après avoir raconté qu'il arrive de Los Angeles où il a tourné dans le dernier John Carpenter, film dans lequel il meurt de " la plus incroyable des manières " (sic), il invite les festivaliers à venir l'aborder durant les cinq jours qu'il passera sur place. Les lumières s'éteignent et le film d'ouverture commence alors : A bittersweet life, du Coréen Kim Jee-Woon, présenté hors-compétition au dernier Festival de Cannes. Dans la lignée de Old Boy, qui valut à Park Chan-Wook de quitter la Croisette en 2004 avec le Grand Prix, cette partition funèbre, tout en ruptures de ton et de rythme, a arraché, deux heures durant, autant d'éclats de rire que de sursauts horrifiés devant sa violence soudaine et froide. Esthétique léchée, humour burlesque et combats arrosés d'hémoglobine servent une histoire d'amour impossible qui scelle le destin d'un homme de main (trop) efficace. L'Etrange festival commence dans le sang coréen, il se fermera sur la graisse australienne de Feed. Entre-temps, on aura pu se vautrer dans la boulimie cinéphilique, et au vu du hors-d'œuvre servi en ouverture, on n'attend qu'une chose : la suite du menu. Moland Fengkov
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