Je dois le confesser, j'attendais 1999 avec impatience. Je me rejouie par avance du nouveau millénaire. Alors que les lunatiques, hérétiques et cassandras de tous poils prédisent que la production mondiale de pop corn explosera d'un seul coup et que les pinguins se mettront à balbutier en portugais pendant que les avions s'écraseront dans les océans, ma crainte d'une fin du monde imminente est réduite à néant par mon enthousiasme. Cette année est l'année du compte à rebours. Je m'y suis préparée avec de nombreux calendriers, rayant les jours avec une joie non feinte. Quels souvenirs marquants me restera-t-il de 1999 dans une vingtaine d'années? De quoi vous rappèlerez-vous? Comment d'autres humains, étudiant notre tribue dans les siècles à venir, interprèteront-ils 1999? Quels film, chanson, ville ou livre en seront les dignes représentants? Dois-je me fier au numéro hors série de Paris Match? Est-ce que Pavarotti chantant avec les Spice Girls signifie que quelque chose a vraiment mal tourné? Quelle peinture représentera, non seulement la fin du siècle, mais aussi la naissance du nouveau millénaire? Mais peût être le problème est que nous voulons tout savoir avant même que tout soit arrivé. Nous assumons que le film aura une "happy end" parce que c'est toujours comme ça. Maintenant qu'une importante exposition Van Gogh a accosté à Los Angeles, s'intégrant parfaitement au paysage de 1999, on ne peut que constater que personne ne veut manquer faire part de quelque chose extraordinaire, quelque chose sortant de l'ordinaire. Du vivant de Van Gogh et de sa peinture qu'était Los Angeles? Bien peu de chose. Regardez les maintenant. Qui aurez-cru? Qui voudrait rater la découverte d'un nouveau Van Gogh de nos jours? Il est trop dépressif d'imaginer qu'il y a quelqu'un, inconnu de talent, quelque part. Jettez juste un coup d'oeil à la prolifération de home pages sur Internet, et vous comprendrez que notre peur la plus vivace est l'obscurité. Nous voulons être "connecté" afin que quelqu'un sâche qui nous sommes. D'où le lancement de ce magasine, dans l'espoir de trouver d'autres personnes partageant nos goûts, et de discuter de ce qui se passe côté cinéma-musique-littérature-art-voyage. Cela signifie digérer, découvrir, partager et déchirer. Un endroit pour se plaindre de ce qui se veut trop intellectuel et débile à la fois. Que ce soit émouvant, rébarbatif, impressionant, ou dégoûtant, quelque chose qui, je l'espère, ne vous laissera pas indifférent.

  Anji Milanovic