Avec : Gérard Depardieu, Christian Clavier, Monica Bellucci, Jamel Debbouze
Durée : 1:47
Pays : France
Année : 2001
Web : Site Officiel
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Près de 3 ans après le premier épisode cinématographique et catastrophique des aventures d'Astérix, réalisé par Claude Zidi, le Petit Gaulois revient sur le grand écran, de nouveau sous les traits de Christian Clavier, mais sous la direction cette fois d'Alain Chabat.
En 52 avant Jésus Christ, dans le palais de Cléopâtre, en Egypte, César (Alain Chabat) se gausse. « Ton peuple est en déclin, jette-t-il à Cléopâtre (Monica Belluci). Il n'est plus celui qui a érigé les pyramides. Aujourd'hui il n'en serait plus capable », prétend-il. Cléopâtre, vexée, doit défendre l'honneur de son peuple et montrer que les Egyptiens sont toujours à la hauteur des plus grandes réalisations. Elle promet donc à César qu'en trois mois elle lui fera construire un grand palais en Egypte.
Elle convoque alors Numérobis (Jamel Debbouze), petit architecte un peu raté, et lui confie le projet. Il devra ériger en plein désert le grand palais de César, le tout dans le délai imposé. S'il réussit, il sera couvert d'or, mais s'il échoue… il sera jeté aux crocodiles.
Numérobis se rend sur les lieux de la construction. Tout est à faire. Naturellement, trois mois, c'est complètement impossible…D'autant plus que le vil Amonbofis, architecte jaloux, a juré l'échec de Numérobis. Mais impossible n'est pas gaulois. Numérobis se souvient soudain d'une ancienne connaissance de sa famille, Panoramix, un vieux druide gaulois qui aurait des pouvoirs magiques.
Notre petit architecte se rend alors en Gaule pour implorer l'aide de Panoramix (Claude Rich). Il fait ainsi connaissance d'Astérix et Obélix (Christian Clavier et Gérard Depardieu, inséparables ces derniers temps), les amis du druide. Avec leur aide, Numérobis réussira-t-il à tenir les délais ?
Le film suit assez fidèlement Astérix et Cléopâtre, sixième album d'Astérix (1965), et sans doute l'un des plus réussis. On sait combien les aventures d'Astérix le Gaulois ont marqué la culture française depuis les années 60. Tout droit issu du journal Pilote, née de la collaboration de René Goscinny (scénariste) et d'Albert Uderzo (dessinateur), cette bande dessinée à l'esprit franchouillard et à l'humour hilarant a fait le tour du monde, accédant partout à un succès à la hauteur de sa qualité : de beaux dessins engageants, sympathiques, et des textes désopilants.
La grande force de Goscinny était probablement sa capacité à travailler sur plusieurs niveaux, de sorte que chaque tranche d'âge trouvait dans les aventures d'Astérix une raison de lire ou relire les aventures du petit Gaulois et de son inséparable ami « bas de poitrine ». Des voyages et des intrigues faisaient rêver les plus jeunes, des jeux de mots cultivés, des clins d'œil et des caricatures de personnages célèbres attiraient les moins jeunes… C'était là la clé d'un succès phénoménal, qui dépassera tout précédent (Tintin y compris). Ceux qui ont grandi avec Astérix le savent bien : chaque relecture, année après année, révélaient de nouveaux éléments comiques qui n'avaient pas été remarqués avant.
La mort de Goscinny en 1977 a mis fin à l'âge d'or d'Astérix. Dès lors, celui-ci ne sera plus jamais que l'ombre de lui-même. Ses aventures, désormais scénarisées par Uderzo en personne, s'enlisent dans des redites et des poncifs, délaissant la finesse de naguère, et semblant réduire ses ambitions au rayon enfants. Son incroyable renommée et l'amour sans faille qu'il reçoit du public toujours nombreux fait vendre les nouveaux albums à une échelle spectaculaire, engrangeant des recettes record (environ 300 millions d'albums d'Astérix vendus à ce jour, traduits en près de 80 langues et dialectes), une raison sans doute suffisante aux yeux d'Uderzo pour avoir continué sans Goscinny.
De nombreuses adaptations en dessin animé ont vu le jour en trente ans ; elles visaient toutes un public très jeune. La précédente aventure d'Astérix au cinéma avec de vrais acteurs à l'écran était aussi la première : Astérix et Obélix contre César, on s'en souvient trop bien, consacrait l'échec cuisant de la transcription des aventures du Petit Gaulois au cinéma avec des acteurs en chair en en os. Le film de Claude Zidi était complètement raté malgré un budget considérable et une panoplie de stars.
Adapter Astérix au cinéma paraissait ainsi aux yeux de beaucoup une gageure. Le désastre du vétéran Zidi en témoignait : c'était peut-être chose infaisable.
Alain Chabat, dont c'est là seulement le deuxième film en tant que réalisateur, s'est attelé à la tâche. Avec un budget de 50 millions d'euros (une fois et demie le budget du Pacte des Loups), il a eu l'intelligence de tirer les enseignements de ce ratage, et en a corrigé presque tous les défauts.
En premier lieu, il a su éliminer les grimaces et les répliques criardes de Christian Clavier, et donner la vedette à un Jamel Debbouze au sommet de sa forme plutôt qu'à Astérix ou Obélix.
Mais surtout, la meilleure idée d'Alain Chabat est d'avoir suivi étroitement le scénario rigoureux de Goscinny, en y ajoutant des éléments comiques très bienvenus - un humour qui mélange Goscinny et Canal Plus. Il a su notamment moderniser les jeux de mots (on trouve désormais les romains Antivirus et Cartapus par exemple, ainsi que les Egyptiens Itinéris et Otis) tout en gardant les plus savoureux (Numérobis et Amonbofis sont toujours de la partie).
Des décors splendides de At Hoang (décorateur de Germinal) à la musique brillante due à Philippe Chany (un ami de longue date de Chabat), en passant par les costumes et les coiffures impeccables, l'approche artistique du film est parfaitement maîtrisée.
Bien entendu, on reprochera que Jamel fait du Jamel en écorchant systématiquement tous les noms, qu'Edouard Baer nous punit avec un long monologue pénible (c'est certes le but mais ça marche un peu trop bien). Que certains moments sont un peu plats, comme l'escalade du Sphinx par Obélix, la course d'Astérix à travers le désert pour alerter Cléopâtre, etc. Que le film vieillira vite à cause de ses références très actuelles (la désormais incontournable parodie de combat de kung fu, la blague sur Itinéris, etc.). Que la présence conjuguée des Nuls, des Robin des Bois, de Jamel, d'Edouard Baer - finalement il ne manque qu'Eric et Ramzy - nous donne l'impression de regarder Canal Plus. Que la photo aux couleurs saturées est un peu fatigante à la longue (l'horrible barbe rouge du pirate !). Et bien entendu, qu'il s'agit d'un rouleau compresseur commercial, distribué dans 900 salles, dont la promotion et la publicité saturent le pays.
Mais globalement, c'est enlevé, drôle, et réussi. C'est assez potache et plutôt souple pour un si gros film. On rit, et de bon cœur. Il ne reste donc qu'à dire bravo à Alain Chabat et son équipe, et souhaiter à son film une grande carrière. L'épouvantable Astérix et Obélix contre César avait fait près de 9 millions d'entrées en France. On peut parier que celui-ci les dépassera.