American Beauty
Réalisé par Sam Mendes
Corrosif, décalé, provoquant et iconauclaste, American Beauty décape l'Amérique bien-pensante et par la même le fameux rêve américain.
American Beauty est d'autant plus surprenant qu'il nous arrive tout droit des studios Dreamworks qui justement s'étaient fait une spécialité dans la promotion des valeurs et du polically correct: Saving Private Ryan, Prince of Egypt, The Peacemaker entre autres. Cette nouvelle production est non seulement un important changement de cap artistique, mais aussi un pari audacieux, sachant que le film dénigre ce que les autres productions du studio prônent. Et ceci est tout à leur honneur. Le réalisateur anglais, Sam Mendes, pour qui c'est le premier film, est quant à lui un transfuge du théatre qui a fait ses marques avec Blue Room, la pièce sulfureuse avec Nicole Kidman qui a embrasé Londres, la pièce qui a inpsiré le film Little Voice et l'adaptation de Cabaret pour Broadway.
Kevin Spacey interprète un père de famille plutôt minable que la crise de la quarantaine va soudainement réveiller. Cette crise n'est pourtant pas le sujet du film. Au contraire, elle est le catalyseur qui va faire exploser des vies trop rangées et permettre au film de décaper plusieurs couches de la société américaine. Le film dénonce en fait l'hypocrisie d'une société obsédée par son apparance exterieure de réussite mais rongée de l'intérieur par la frustration, détruisant ainsi un certain American Dream. Ainsi ne seront pas épargnés puritanisme, patriotisme, empowerment (auto-motivation et pouvoir), corporate america (la culture de l'entreprise).
Le fim démarre ainsi trés fort, dévoilant Kevin Spacey sous la douche en train de se masturber, l'intéressé expliquant en fond, que c'est le moment fort de sa journée. Le film met donc tout d'abord le doigt sur la frustration sexuelle. Marié et père de famille, le personnage n'a plus eu de relations sexuelles depuis trop longtemps, sa femme (Annette Bening) étant plus obsédée par la décoration de sa maison. Sous les apparences de bonheur marital se cache donc une problème plus grave. Cette frustration pousse le personnage à fantasmer sur une copine d'école de sa fille, ce qui va provoquer un déclic. Il se mettra à la musculation afin de devenir plus sexy et la séduire. La jeune fille incarne cette beauté américaine symbolisée par des pétales de roses fraîches (dans les fantasmes de Spacey) contrastant avec les roses plantées et coupées dans le jardin par sa femme, qui témoignent elles, d'une beautée figée, et par la même d'une absence de désir sexuel pour sa femme. American Beauty dénonce donc tout d'abord cette amérique qui sous des abords puritains, commet l'irréprochable, comme ces bons pères de famille violant de jeunes filles. La frustration sexuelle touche aussi plusieurs autres personnages. Annette Bening ira trouver satisfaction ailleurs, alors que l'homophobie du voisin semble le résultat d'une frustration liée à une éducation puritaine où ces tendances ne sont pas acceptées.
Le film attaque ensuite le patriotisme. Le voisin, un colonel à la retraite, mène sa famille d'une main de fer, ayant fait de sa femme une quasi-zombie et n'hésitant pas à élever son fils dans le droit chemin à coups de poings. Cette discipline est d'autant plus sévère que le fils par réaction est trafficant de drogues. Le fait que le père impose la vision de films de guerre avec Ronald Reagan est une directe allusion à l'Amérique conservatrice. Mais là où le film va plus loin, est dans la dénonciation du fachisme rampant du patriotisme exacerbé et de la culture militariste. Le clou de la collection d'artifacts militaires du colonel est en effet une assiette du Troisième Reich ornée d'une croix gamée, que le fils précise être un objet trés convoité par les collectionneurs. Comment ne pas être choqué par l'hypocrisie d'une société qui bannit une nudité malsaine de la tv, mais vend ouvertement des dagues SS et autres photos d'Hitler dans ses magasins d'antiquités.
American Beauty s'en prend aussi à l'Empowerment, culture du pouvoir par l'auto-motivation. Le film utilise le meilleur véhicule possible, l'Immobilier, une des industries les plus aggressives, par ailleurs déjà ciblée dans L'Affaire Glengarry Glen Ross avec Al Pacino et Kevin Spacey. L'amant d'Annette Bening n'y est autre que le Roi de l'Immobilier, qui communiquera à celle-ci sa soif de pouvoir (tout en étanchant sa soif sexuelle). On peut y voir un monde où une apparence de vainqueur est la clé du succés. L'utilisation de cassettes d'auto-motivation fait partie de cette culture propre à la société américaine, qui prend aussi la forme de livres, posters, vidéos et infomercials pour gogos en mal de réussite. On constatera avec amusement, que la sensation du pouvoir peût être amplifiée par la possession d'armes à feu, recoupant ainsi la collection d'armes du colonel, comme pour mieux confirmer ce point.
La culture de l'entreprise n'est pas épargnée non plus. Le personnage de Spacey est confronté à un jeune loup dont la position au nom pompeux qui ne veut rien dire n'est qu'un pretexte pour justifier des licenciements abusifs. Plus que la précarité quant aux motifs de licenciements, le film attaque les abus qui règnent dans les grosses companies, du management qui s'offre des call-girls sur le dos de la société à Spacey qui fait un chantage au harcèlement sexuel sur son supérieur.
Mais au-delà de toutes ces attaques précises, c'est le rêve américain qui en prend un coup. En effet la famille de Spacey a atteint son rêve américain: être propriétaire d'une grande maison en banlieue, un beau jardin et un beau mobilier, des salaires confortables, une fille mignone et un van. Pourtant, tout ceci n'est qu'illusion, puisqu'aucun des personnages n'est heureux et que le noyau familial explosera. Dans cette course aprés un bonheur apparent, toute passion personnelle a été sacrifiée jusqu'à en oublier de vivre. Et c'est en fait, la fille, le membre le plus lucide de la famille qui en est le témoin malgré son apparence marginale: elle déteste ses parents qu'elle prend pour des freaks. Elle est en marge d'une societé trop laide qu'elle rejette. Elle n'y trouvera bonheur et beauté qu'au travers de la caméra de son copain, le fils du colonel qui, comme elle, est en marge, aprés avoir été interné dans un hopital psychiatrique. Le film sème le doute quant à leur santé mentale, comme en témoignent leurs confessions aux envies paricides dans la caméra. La jeune fille demandera ensuite à son copain, hors caméra, si il savait qu'elle rigolait. Rien n'est sûr. Ce qui est sûr, c'est que tous deux trouveront la beauté du monde à travers cette caméra utilisée comme filtre.
American Beauty se rapproche d'un cinéma provoquant à l'humour noir auquel Happiness appartient. On rit mais c'est grinçant, tordu et d'autant plus jouissif. Le film incorpore les fantasmes hilarants et pervers de Spacey concernant la jeune fille. Un des rares moments où un film de deux heures ne parait pas interminable.
Enfin, les acteurs sont tous dans le juste. Spacey est évidemment exceptionnel, puisque pour la première fois il a un rôle de loser et fait rire. Il faut le voir fantasmer sur la jeune fille avec ses grimaces hilarantes, être défoncé ou se masturber dans le lit sous le nez de sa femme. Ensuite, il revient en terrain connu dans un personnage haut en couleurs d'un homme de la quarantaine en pleine crise, se réveillant d'une vingtaine d'années d'un mariage comateux. Annette Bening est pétillante et impose sa présence à l'écran alors que les enfants sont tous dans le juste, de la fille révoltée (Thora Birch) au fils du colonel complètement décalé (Wes Bentley), en passant par la copine délurée (Mena Survani).
La conclusion brutale du film est à l'image de sa prémisse: les apparences sont trompeuses. Tout comme son titre.
Fred Thom
Road to Perdition
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