Clean
Réalisé par Olivier Assayas
Avec : Maggie Cheung, Nick Nolte, Béatrice Dalle, Jeanne Balibar
Scénario : Olivier Assayas, Nyle Cavazos Garcia
Durée : 1:50
Pays : France
Année : 2004
Site Officiel : MovieTitle
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Le dernier film d'Olivier Assayas est beau à pleurer. Une rock star déchue doit renoncer à la drogue et à son mode de vie passée pour récupérer son fils. Assayas signe un mélodrame, empreint de nostalgie. En archéologue précis et attentif, il enregistre les derniers vestiges d'une époque révolue : celle de la scène rock indépendante des années 80. Ses personnages, en effet, appartiennent à la mythologie du rock dont l'adage fut « sex, drug and rock and roll ». Aujourd'hui, la flamboyance et la rage ont disparu. Débarrassée de ces oripeaux, rendue à une vie prosaïque, son héroïne doit faire face et assumer ses responsabilités.
Assayas ouvre son film sur des plans de sites industriels au Canada, métaphore du milieu du rock qu'il dépeint. Ces feux allumés brillent au loin, beaux et ardents, comme les personnages. Lors de la nuit funeste où Emily (Maggie Cheung, exceptionnelle) se dispute avec Lee (James Johnston, musicien qui joue avec Nick Cave and the Bad Seeds), elle se fait un shoot dans sa voiture, devant ce décor d'élection. Au moment où la drogue pénètre dans son corps, un feu incandescent jaillit de la bouche d'une cheminée d'usine. Ce feu destructeur, image du poison fatal que s'injecte Emily, contamine le décor et le corps de l'héroïne. Emily atteint un point de non-retour. Au petit matin, l'héroïne découvre le corps rigide de son compagnon, mort d'une overdose. Incriminée, elle purge une peine de six mois de prison et perd la garde de son fils, confié à ses grands-parents.
S'enclenche alors la deuxième partie du film ou le retour à la vie. Après la nuit et les affres de la drogue, Emily chemine vers la lumière. Son parcours bouleversant est porté par la sublime et expressive lumière du chef opérateur Eric Gautier. Emily fait l'expérience de la solitude. Ses amis lui tournent le dos et elle ne bénéficie plus d'aucun soutien dans la profession, notamment auprès du chanteur Tricky, dans son propre rôle. Au passage, Assayas filme avec maîtrise les musiciens en concert. Que ce soit le groupe Metrics et sa chanteuse, toute en grâce féline, ou bien encore Tricky, en pleine transe hypnotique et fiévreuse, sa caméra vibre au tempo de la musique électrisante de ces artistes. Ces séquences, très réussies se fondent avec bonheur dans la fiction, tout en apportant une touche documentaire à Clean.
Assayas réalise un film très émotionnel, aux antipodes du très froid Demonlover. Les retrouvailles avec l'enfant sonnent juste, sans pour autant être lacrymales. Avec sincérité, la mère s'adresse à son fils comme à un adulte. Elle ne cherche pas à édulcorer sa descente aux enfers, lui mentir sur son passé. En cela, le film se détache radicalement du cinéma hollywoodien et son cortège d'émotions bradées. Maggie Cheung campe avec sûreté, précision et gravité une héroïne en équilibre précaire. Elle est épaulée par des acteurs constamment sobres et justes, tel Nick Nolte qui joue le rôle phare du grand-père bienveillant et protecteur.
Dans un final somptueux, Emily se reconstruit par et grâce à la musique. Sur la proposition de David Roback de Mazzy Star (figure culte dans son propre rôle), elle se résout à enregistrer un album. Sa voix s'élève nue et dépouillée, à l'image d'Emily qui repart de zéro. Puis, les autres pistes de musique montent et enveloppent sa voix, formant un ensemble harmonieux. De la même manière, Emily recompose le puzzle de sa vie.
Olivier Assayas, quant à lui, réussit un tour de force avec ce film post-rock, mélodrame de la plus belle eau.
Sandrine Marques
Carlos
Demonlover
Boarding Gate
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