Avec : Hugo Anganuzzi, Mimí Ardú, Víctor Hugo Carrizo, Graciana Chironi Durée : 1:45 Pays : Argentine Année : 2002

El Bonaerense, c'est le nom qu'on donne à la police de la province de Buenos Aires, réputée pour les controverses qu'elle suscite. D'un réalisme et d'une maîtrise technique sans faille, le film de l'Argentin Pablo Trapero nous dévoile les coulisses de ces forces de l'ordre, sans y porter un quelconque jugement. A la lisière du documentaire, une visite jubilatoire.

Zapa, mène une vie de serrurier sans histoire dans un village argentin. Jusqu'au jour où son patron l'implique dans un cambriolage. Arrêté, il bénéficie cependant du soutien de son oncle, ancien commissaire au bras long. Malgré lui, afin d'échapper à la justice, le voilà enrôlé dans le Bonaerense, la police de la province de Buenos Aires. Ses premiers pas au sein de l'équipe et son parcours initiatique vont servir de fil rouge à une plongée sans concession dans un monde violent où la morale et l'éthique se mêlent aux pratiques moins avouables.

El Bonaerense est un film qui repose essentiellement sur l'interprétation de Jorge Roman (Zapa), sobre mais terriblement attachant. Son personnage accuse les coups du sort et les bifurcations qu'emprunte sa vie sans sourciller, avec un stoïcisme mêlé de fatalisme. De tâches administratives en cours théoriques inadaptés à des aspirants comme lui, sans éducation, en passant par les brimades des anciens, il gravit les échelons, gagne le respect de ses supérieurs et comprend rapidement qu'il peut profiter des avantages d'un système qui possèdent ses règles et ses codes propres.

La mise en scène de Pablo Trapero ne souffre d'aucune faille. Le long prologue prend son temps pour brosser les traits principaux de la psychologie de son (anti) héros. Le titre du film n'apparaît à l'écran qu'après l'exposé des événements conduisant à l'exil forcé de Zapa dans les faubourgs crasses de la capitale. Dès lors, le film suit les débuts de cet apprenti policier sans vocation, qui petit à petit, comprendra comment évoluer dans ce monde où les règles du jeu se devinent en lisant entre les lignes. Au quotidien. Son parcours devient un documentaire réaliste et objectif sur la vie de la police argentine. Le poids de la hiérarchie, le manque de moyens et de personnel, la nécessité de lancer sur le terrain des débutants inexpérimentés : le quotidien, avec ses interventions au cœur du danger, ses histoires d'amour sans lendemain entre collègues, ses petits instants anodins partagés autour d'un repas, se dévoile par petites touches. Un quotidien également fait de magouilles, de deals avec les malfrats du coin et les putes, de racket, voire de meurtres déguisés.

A l'image de Zapa, témoin passif et docile qui évolue dans ce monde en silence, Trapero ne porte aucun jugement sur les pratiques de la police argentine. Tiraillés entre la morale et l'illégalité, ses personnages ne sont rien d'autre que des êtres tentant de vivre avec les moyens que leur fournit la vie. Cette absence de parti pris confère à l'ensemble une originalité et une authenticité salutaire pour un film sincère. Une réussite.

  Moland Fengkov


     Leonera