Avec : Bill Paxton, Matthew McConaughey, Powers Boothe, Matthew O'Leary
Durée : 1:40
Pays : USA
Année : 2002
Web : Site Officiel
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C'est incroyable, l'effet qu'une plaine poussiéreuse et une petite ville peuvent avoir sur l'esprit d'un homme. Ajoutez-y une vision divine et vous obtenez le nouveau venu dans la série meurtrière (Badlands, Blood Simple, In Cold Blood, Flesh and Bones) du film noir de l'Amérique moyenne.
Le générique d'Emprise, le premier film derrière la caméra pour Bill Paxton, survole un tourbillon de photos et manchettes de journaux jaunis qui nous indiquent que la chasse au tueur en série « La Main de Dieu » bat son plein. Fenton Meiks (un Matthew McConaughey crasseux) attend dans le bureau de l'agent du FBI Wesley Doyle (Powers Booth, mi-télévangéliste, mi-Tommy Lee Jones du pauvre) car, dit-il, il est la seule personne a connaître la véritable identité du tueur. Curieusement, Doyle décide de garder pour lui le témoignage de Meiks-le-mal-rasé-au-regard-fou, qui colle les meurtres sur le dos de son frère.
Lancez le flash-back : l'histoire de Fenton débute en 1979 par un portrait à la guimauve de la famille Meiks ; le paternel (Bill Paxton), Fenton à 12 ans (Matthew O'Leary) et le petit frère de neuf ans, Adam (Jeremy Sumpter), qui aspire à quitter l'école pour chanter des cantiques. La mère est morte à la naissance d'Adam, mais le clan se porte bien… en tout cas jusqu'à ce que papa aient subitement ses visions divines. Récemment élu tueur de démons par Dieu, il explique à ses enfants que Dieu a choisi leur famille. Eux seuls ont la faculté de distinguer les démons sur terre et il est de leur devoir de les détruire à l'aide d'armes spéciales (une paire de gants de travail, un tuyau et une hache nommée Otis), mais Fenton trouve que les démons ressemblent exactement aux gens normaux, et ce manque de foi provoque une sainte croisade père-fils d'un autre type.
Comme la plupart des thrillers hollywoodiens, la forme effraie bien plus que le fond. La vision du père (sans nom) est, en gros, déchargée sur l'écran ; ce personnage n'a aucun passé. Est-il un homme pieux ? Quel impact la mort de sa femme a-t-elle eu sur lui ? Qui sait ! Idem pour l'agent Doyle : son personnage est vide et dénué de sens ; lorsque, à la fin du film, on dévoile un chouia de sa personnalité, cela renvoie presque définitivement le film au niveau de nanar de série B.
Cela dit, Bill Paxton, pour sa première réalisation, a le chic pour créer l'ambiance. Il a bien compris le côté terrifiant des caves insalubres, des halos de lumière dans le brouillard en pleine nuit, et des jardins envahis par la végétation (surtout ceux dans lesquels les enfants creusent des tombes.) Il sait que des marques de mains ensanglantées sur une chemise blanche en disent long, bien plus long que des membres baignant dans le sang. Ça, ainsi que la sublime pénombre du sud ainsi que le père horriblement dévoué et ses conflits dérangeants avec son fils élèvent Emprise un cran au-dessus de ce que mérite le scénario. Le film en devient un mystérieux mélange d'horreur et de noir, plutôt que la bouillie « thriller psychologique » habituelle.
Et ce, encore une fois, jusqu'à la fin. Je ne vais pas la révéler ; nul ne se fait d'amis en révélant une fin « surprise. » Néanmoins, il faut savoir qu'Emprise ne se ressent jamais comme un mystère. Au lieu de cela, Paxton présente une réflexion à faire peur sur la ferveur religieuse qui, à condition d'en ignorer quelques niaiseries, pourrait très bien vous faire froid dans le dos. Mais tout espoir pour un thriller digne de ce nom (qui aurait pu tenir rien que sur le flash-back) est réduit à néant par une stupide fin en coup de théâtre qui tente de résoudre un mystère jamais vraiment présent dans le film. C'est une déception difficile à surmonter, même si la prestation torturée de Bill Paxton et son sens de l'ambiance en tant que réalisateur sont admirables.