critique de Inside man
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S'appuyant sur une trame classique de hold-up, le scénario se joue habilement des conventions du genre (prise d'otages, attente, négociations et sortie de crise) pour distiller une petite musique de la manipulation. Entre le cerveau du chef des braqueurs joué par un Clive Owen aussi implacable que distingué et la logorrhée survoltée de Denzel Washington, en petit flic roublard mais intègre, vient se glisser un tiers personnage, plutôt inhabituel dans ce genre de films. Jodie Foster y joue ainsi les affairistes cyniques, mandatée par le propriétaire de la banque pour empêcher que le contenu d'un coffre ne tombe entre les mains des voleurs. L'intrigue se déplace alors rapidement du braquage à l'ancienne pour évoluer vers le dévoilement d'une énigme : quelles sont les intentions réelles des voleurs ? Mais ce n'est pas tant sur un récit qui sent bon les formules de script-writing que tient la qualité du film. Car sur cette base scénaristique, qui doit plus aux principes du script "high concept" popularisés par les Usual Suspects de Brian Singer qu'aux secousses sociales d'un cinéma américain moderne représenté par le Dog Day afternoon de Sydney Lumet, Spike Lee déploie sa maestria de réalisateur adepte d'une identification des protagonistes par les marquages territoriaux. Il faut dire que l'idée du braquage s'y prêtait naturellement avec ses positions de tranchées occupées par policiers et voleurs. Et le réalisateur est connu pour n'aimer rien tant que de perturber les positions ethnico-sociales construites. Avec un art consommé de la mise en place et un découpage très maîtrisé de l'espace, il modifie donc les règles, mêlant bons et méchants, creusant des trous dans les sols pour finalement débusquer des chausse-trappes et prenant position dans son décor comme un joueur sûr de lui qui mènerait sa petite guérilla ludique. Il livre alors un film parfaitement jouissif et entraînant, au casting éprouvé, sans jamais se départir d'une teinte auteuriste et politique. En raccordant, dans une belle fluidité, contraintes du genre et déclinaisons personnelles, par le biais de sa mise en scène, on comprend alors que l'homme de l'intérieur auquel le titre fait référence pourrait être le cinéaste lui-même dans ses rapports avec Hollywood.
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